AUZOU Stanislas - Sciences Po Toulouse

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AUZOU Stanislas - Sciences Po Toulouse
INSTITUT D’ETUDES POLITIQUES DE TOULOUSE
VERS DES SOCIETES MILITAIRES PRIVEES
A LA FRANCAISE ?
Mémoire de recherche présenté par M. Stanislas AUZOU
Directeur du mémoire : M. Michel-Louis MARTIN
2008
1
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INSTITUT D’ETUDES POLITIQUES DE TOULOUSE
VERS DES SOCIETES MILITAIRES PRIVEES
A LA FRANCAISE ?
Mémoire de recherche présenté par M. Stanislas AUZOU
Directeur du mémoire : M. Michel-Louis MARTIN
2008
3
AVERTISSEMENT
L’Institut d’Etudes Politiques de Toulouse n’entend donner aucune
approbation, ni improbation dans les mémoires de recherche. Ces
opinions doivent être considérées comme propres à leur auteur.
4
Abréviations
CSA : Consulting and Special Assistance
DCI : Defense Conseil International
IPOA : International Peace Operation Association
PMC : private military company
SMP : société militaire privée
SSP : société de sécurité privée
SSMP : société de sécurité militaire privée
5
INTRODUCTION........................................................................................................................................................ 1
CHAPITRE PRELIMINAIRE : ................................................................................................................................. 7
L’ESSOR DES SOCIETES MILITAIRES PRIVEES ............................................................................................. 7
SECTION 1 : LES ORIGINES DE LA PROLIFERATION DES SOCIETES MILITAIRES PRIVEES ............................................... 7
SECTION 2 : LE MODELE ANGLO-SAXON : MODELE LE PLUS ABOUTI ...................................................................... 11
PREMIERE PARTIE: UN ETAT DES LIEUX DU MARCHE ET DES SOCIETES DE SECURITE
PRIVEES FRANÇAISES .......................................................................................................................................... 17
CHAPITRE 1 : LE POSITIONNEMENT DES SOCIETES DE SECURITE PRIVEES FRANÇAISES SUR LE MARCHE ET LEURS
DOMAINES D’ACTION ................................................................................................................................................ 17
CHAPITRE 2 : UN MARCHE DE LA SECURITE SPECIFIQUE QUI EXPLIQUE LA NATURE DE CES SOCIETES DE SECURITE
FRANÇAISES : ............................................................................................................................................................ 28
DEUXIEME PARTIE................................................................................................................................................ 39
LES SOCIETES DE SECURITE MILITAIRE PRIVEES EN FRANCE : UN AVENIR CERTAIN ENCORE
A DECIDER ............................................................................................................................................................... 39
CHAPITRE 1 : LES CADRES DU DEVELOPPEMENT DES SSP EN FRANCE ............................................................... 39
CHAPITRE 2 : L’IDENTITE ET LA NATURE RELLE DES SOCIETES DE SECURITE MILITAIRE PRIVEES
FRANCAISES ......................................................................................................................................................... 55
CONCLUSION........................................................................................................................................................... 72
ANNEXES .................................................................................................................................................................. 76
BIBLIOGRAPHIE GENERALE............................................................................................................................ 104
TABLE DES MATIERES ....................................................................................................................................... 108
6
“Friars : God give you peace !
Sir John Hawkwood : God take you from your alms !
Friars : We meant no offence, sir.
Sir John Hawkwood : How, when you pass by me and pray that God would make me die
of hunger ? Do you not know that I live by war and that peace would ruin me ?”
De Froissart’s “ Chronicles ”
7
Introduction
“ Les sociétés militaire privées sont des entreprises commerciales qui fournissent des prestations
traditionnellement assurées par les forces armées nationales. ”1
“ Ne peut être qualifié de mercenaire, au sens du présent article, que celui qui est un combattant
et un combattant engagé concrètement dans les hostilités. (…) Aussi longtemps que les experts
ne prennent aucune part directe aux hostilités, il ne sont ni des combattants, ni des mercenaires,
mais des civils qui ne participent pas aux combats. ”2
Le postulat de départ est qu’il existe des “ sociétés militaires privées à la française ”. De ce
postulat découle l’idée d’une spécificité de ces sociétés françaises par rapport aux sociétés
militaires privées (SMP) anglo-saxonnes, sud-africaines, ou encore israéliennes qui dominent le
marché de la sécurité privée. Le premier constat qui frappe est la quantité des sommes
engrangées par les sociétés françaises, nettement inférieures à celles des grandes SMP anglosaxonnes. L’importance des structures, la taille de l’effectif, les missions accordées, et le label
même de ces sociétés privées françaises diffèrent par rapport aux fameuses “ Private Military
Companies ” étrangères. La diversité des prestations et des domaines d’activité de ces sociétés
constitue une spécificité française. (cf. la liste des SSMP Françaises et leurs domaines
d’activités.) Mais certaines sociétés privées affichent déjà en France une volonté ambitieuse de
concurrencer les grandes PMC’s au moins dans certains domaines. Il suffit de regarder Earthwind
Holding Corporation ou le site Internet officiel de la société Secopex pour voir inscrite noir sur
blanc l’appellation société militaire privée. Même si cette dernière n’a pas réussi à obtenir les
contrats nécessaires à son développement, il faut surtout mettre un terme à l’idée communément
admise que la France n’est pas du tout prête à héberger des sociétés de ce type. Au contraire,
certaines sociétés privées affichent même parfois leur identité sans trop de honte.
En outre, les contraintes budgétaires et l’évolution des effectifs de nos armées ont déjà conduit à
l’externalisation de certaines fonctions assurées jusqu’alors par du personnel civil ou militaire du
ministère de la Défense dans le domaine de la maintenance par exemple. L’insuffisance des
1
Chapleau (Philippe), Sociétés militaires privées. Enquête sur les soldats sans armées, Le Rocher, 2005, p. 9.
Protocole additionnel aux Conventions de Genève du 12 août 1949 relatif à la protection des victimes des conflits
armés internationaux, 8 juin 1977.
2
1
réservistes est également un atout pour ces sociétés françaises car se dessine un grand vide
qu’elle pourrait semble-t-il combler. En effet, l’objectif de 100 000 réservistes fixé par la loi de
programmation militaire (1997-2002) n’a pas pu être atteint. Selon le ministère de la Défense,
seuls 32 500 engagements ont été enregistrés pendant cette période.
Le milieu des sociétés militaires privées est en pleine mutation. En France, il a fait l’objet d’un
développement récent. L’époque des Bob Denard et autres est révolue, pas parce que les
domaines ou les moyens d’action diffèrent mais parce qu’émergent aujourd’hui des sociétés qui
veulent prouver leur intégrité et leur transparence. Le mercenariat a désormais une dimension
entrepreunariale, et la France ne fait pas figure d’exception même si elle a pris du retard par
rapport aux Anglo-saxons.
Notre analyse est centrée sur les sociétés de sécurité militaires privées françaises qui se
développent et sont amenées à se développer dans l’avenir, et non simplement sur le mercenariat
français tel qu’il existe depuis longtemps car celui-ci a été très bien traité par ailleurs, et qu’il
n’apparaît pas ici comme un sujet d’étude susceptible d’apporter de nouveaux éléments à la
recherche actuelle. Ajoutons que le terme de société de sécurité militaire privée est préféré ici à
ceux de société de sécurité privée et de société militaire privée, car on ne saurait se limiter à
l’étude des sociétés de sécurité privée qui fournissent en France par exemple des services de
gardiennage et qui existent depuis longtemps. On ne peut pas non plus se permettre de parler de
sociétés militaires privées au sens strict, car à l’heure actuelle, il ne faut surtout pas faire
l’amalgame entre les SMP anglo-saxonnes et les sociétés françaises telles qu’elles se développent
aujourd’hui.
Or, l’objet de ce mémoire est justement de démontrer qu’il existe une spécificité française qui fait
qu’on ne peut pas parler de sociétés militaires privées au sens où on l’entend communément.
L’ambition des sociétés militaires privées à la française ne doit pas être de concurrencer
directement les SMP anglo-saxonnes beaucoup plus avancées, mais bien de se positionner sur des
secteurs et des services spécifiques dans lesquels elles peuvent montrer leurs qualités originales.
Il est clair que le contexte et la tradition jacobine française n’ont certainement pas contribué à
2
l’émergence et au développement de ce type de sociétés. Les dirigeants et les membres de ces
sociétés refusent par ailleurs le plus souvent l’appellation de “ Sociétés Militaires Privées ”, peutêtre parce que leurs sociétés ne présentent pas toutes les caractéristiques de leurs homologues
anglo-saxonnes, sans doute aussi parce qu’ils ne veulent pas effrayer ou offenser les défenseurs
des domaines régaliens de l’Etat. C’est l’une des raisons pour lesquelles on peut parler de
“ sociétés militaires privées à la française ”. En outre, le domaine de la sécurité militaire privée
reste relativement embryonnaire ce qui explique également pourquoi ces sociétés militaires
privées à la française ne sont pas encore parvenues à se faire une place significative dans le
secteur de la sécurité militaire qu’elles convoitent.
Les sociétés militaires privées à la française ont encore tout à prouver. Ces sociétés se
développent dans un pays très peu enclin à l’externalisation des activités régaliennes comme la
défense. Mais ces sociétés savent aussi pertinemment que la privatisation de la sécurité militaire,
du maintien de la paix (peace-keeping) et de toutes les activités qu’elles développent a tout de
même de l’avenir, même en France. Ainsi, les sociétés françaises sont-elles soucieuses de
montrer qu’elles peuvent représenter une alternative intéressante car elles peuvent se montrer
particulièrement compétentes dans des domaines qui ont de l’avenir comme le peace-keeping par
exemple. La possibilité pour la France de pouvoir un jour compter sur des sociétés privées
françaises dans ce genre d’activité doit être sérieusement considérée car elle renforcerait sa
crédibilité diplomatique et militaire.
Mais les sociétés de sécurité militaires privées françaises doivent d’abord apporter les gages de
leur compétence, de leur utilité et de leur vertu, car le sujet est pour le moins sensible. On ne peut
pas s’aventurer dans un domaine comme la sécurité militaire sans en considérer les risques et la
mesure de l’encadrement et du contrôle. Il faudrait dans l’idéal assurer un contrôle à chacun de
ces niveaux de façon à considérer toute la vertu, la compétence et l’utilité de ces Sociétés ! En
France, l’externalisation apparaît comme un moyen de maximiser la réalisation de ses objectifs et
permet à la Défense par exemple d’améliorer le service qu’elle rend à la collectivité nationale.
Mais avant de voir une réelle externalisation d’un domaine de compétence “ noble ” à une
Société de sécurité militaire privée en France, il s’agit de considérer le rapport entre coût et
bénéfice sous tous ses angles. Pour permettre une véritable réflexion personnelle sur l’état des
3
gages de compétence, d’utilité et de vertu des sociétés militaires privées à la française, il va
également falloir étudier le contexte général de développement de ces sociétés et la sociologie de
ces sociétés. Ce mémoire est le fruit d’une longue réflexion sur ce que sont vraiment ces sociétés
de sécurité militaire privées françaises et sur le rôle qu’elles peuvent jouer en France. Toute une
série de questions est alors apparue, dont les principales sont les suivantes :
Quels sont les domaines dans lesquels les sociétés françaises sont les plus performantes ?
Peuvent-elles prétendre se spécialiser dans des domaines d’expertise comme par exemple
l’intelligence économique, le conseil, la projection opérationnelle, et le déminage (humanitaire) ?
Elles vont de la protection rapprochée (Groupe Barril) à la formation (SAS en Afrique), en
passant par la gestion du risque (PHL en Asie), l'intelligence économique (Atlantic Intelligence),
la sécurisation des sites (SIA, Société internationale d'assistance, en Angola, OGS en Birmanie),
le déminage (Pretory Technologie en Bosnie), etc.…
Les autorités françaises sont frileuses à externaliser des activités militaires majeures. Pourquoi ?
Quelles prestations ? Mais aussi quels clients pour les Sociétés Militaires Privées françaises ? Ne
pouvant compter sur des contrats gouvernementaux d'importance, les sociétés françaises doivent
se rabattre vers des clients commerciaux (entreprises, collectivités), des clients privés (hommes
d'affaires, diplomates, VIP) et tenter de décrocher des contrats ponctuels à l'international auprès
d'ONG opérant en zones à risques ou de gouvernements de pays en développement.
Comment les Sociétés Militaires Privées françaises se positionnent-elles sur le marché, surtout
par rapport aux SMP anglo-saxonnes ?
Où en sont aujourd’hui les Sociétés Militaires Privées françaises par rapport à ces gages de
compétences, d’utilité, et de vertu ?
Dans quelle mesure sont-elles compétentes ?
Sont-elles utiles pour la France et dans quelles mesures ?
Et leur vertu ? L’éthique, la morale, leurs arguments de légitimation tiennent-ils la route?
Ce mémoire de recherche n’a pas pour ambition de proposer simplement un vaste panorama
général des sociétés de sécurité militaire privées françaises présentes sur le marché et de juger
leurs compétences et leurs raisons d’exister. Il n’est pas seulement destiné à présenter les
avantages ou les limites du recours à des sociétés de sécurité militaires privées pour la France. Il
4
va aussi tenter d’étudier avec le plus d’objectivité scientifique possible ces sociétés françaises, en
se fondant sur des exemples concrets de façon à mieux les comprendre.
Il semble en effet que même en France, la privatisation de la sécurité ait de l’avenir. Certes, elle
n’en est pas au même stade aux Etats-Unis, en Angleterre, en Israël, en Afrique du Sud et en
France. Mais c’est également un secteur qui monte dans notre pays à en croire par exemple la
croissance annuelle très prometteuse de la société GEOS. Si on reconnaît que la privatisation de
la sécurité est un domaine d’avenir inévitable avec lequel il faut compter, il paraît alors
indispensable d’observer avec un regard le plus objectif possible les évolutions du secteur en
France, pour proposer éventuellement in fine un constat plus personnel d’état des lieux. La
France a commencé à externaliser dans le domaine de la sécurité et de la défense.
La question principale à laquelle ce mémoire tente de répondre est la suivante : jusqu’où peut-on
aller dans l’externalisation de la Défense en France et en quoi les sociétés de sécurité militaire
privées françaises peuvent-elles profiter de ce mouvement ?
L’enjeu est d’accompagner le développement des SSMP françaises pour qu’elles servent au
mieux les intérêts de la France sans compromettre les leurs, et pour éviter également, en les
encadrant, des dérapages éventuels puisqu’elles évoluent dans des domaines parfois très
sensibles.
La question est de savoir où on en est aujourd’hui en faisant un état des lieux de la situation
présente en France, en comparaison avec ce qui se passait avant, et en comparaison avec ce qui
se passe ailleurs parce qu’on a avancé depuis 1991 et les premières expériences françaises
d’externalisation, mais la France reste modeste dans ce processus. Et on peut donc légitimement
s’interroger sur l’avenir de ces sociétés de sécurité militaire françaises. Dans quelle mesure
peuvent-elles profiter de l’externalisation de certaines fonctions ?
Avant d’arriver à de tels questionnements, il a fallu que je rencontre Monsieur Jean-Marie
Vignolles, auteur de De Carthage à Bagdad, le nouvel âge d’or des mercenaires et que je puisse
avoir un entretien avec Monsieur Philippe Chapleau, journaliste et spécialiste en France des
Sociétés militaires privées, auteur de Mercenaires S.A. et Sociétés militaires privées, enquête sur
les soldats sans armées. Ils m’ont en effet aidé à mieux cerner le sujet et à recadrer mon étude
5
sur des éléments plus essentiels que d’autres.
Avant d’étudier le cas strictement français, il m’est apparu indispensable de revenir assez
brièvement dans un chapitre préliminaire sur l’essor des sociétés militaires privées en général, et
plus particulièrement sur les grandes firmes anglo-saxonnes, en évoquant les origines de la
prolifération des SMP et le modèle anglo-saxon. Ensuite, la première partie du mémoire est
consacrée à un état des lieux actualisé des sociétés de sécurité militaires privées françaises et du
marché de la sécurité. Cette partie traite du positionnement des sociétés privées françaises sur le
marché de la sécurité et de leurs domaines d’action, de façon à mieux comprendre qu’il s’agit
d’un marché dont la France pourrait tirer profit mais également pour mieux cerner les conditions
pour une efficacité des SMP à la françaises. La première partie traite aussi des spécificités de ce
marché et de son incidence sur la nature des sociétés françaises en expliquant que
l’externalisation en France est mise à rude épreuve, mais qu’il s’agit d’un processus
indispensable pour que les SMP à la française puissent se développer correctement.
La deuxième partie s’étend plus sur l’avenir des sociétés de sécurité militaires privées françaises
en insistant d’abord sur les cadres du développement de ces sociétés. Cela implique de s’attarder
sur l’encadrement juridique peu clair et lacunaire des sociétés de sécurité militaire privées et la
définition d’un rôle spécifique et de missions spécifiques pour ces sociétés. Ensuite, il s’agit de
se demander jusqu’où on peut aller dans l’externalisation des fonctions de défense en France.
Enfin, il faudra étudier l’identité et la nature réelle de ces sociétés pour comprendre la spécificité
française et connaître un peu mieux les services très variés qui légitiment leur existence.
6
CHAPITRE PRELIMINAIRE :
L’ESSOR DES SOCIETES MILITAIRES PRIVEES
Il est nécessaire d’évoquer dans un chapitre préliminaire l’essor des sociétés militaires privées
dans le monde, car cela permet de pouvoir constamment faire un intéressant rapprochement entre
les sociétés de sécurité militaires privées françaises et les grandes sociétés militaires privées
anglo-saxonnes qui évoluent sur le marché depuis plus longtemps et se développent d’une façon
moins frileuse. Il faut garder à l’esprit que les anglo-saxons maîtrisent le créneau de la sécurité
privée. Même si ce mémoire ne prétend pas montrer que les société françaises veulent
concurrencer les “ Private Military Companies ” anglo-saxonnes, il est bon de pouvoir faire des
comparaisons avec les SMP qui réalisent des chiffres d’affaires qui atteignent parfois des
centaines de millions de dollars.
Section 1 : Les origines de la prolifération des sociétés
militaires privées
Les sociétés militaires privées ne sont pas une invention de la fin du XXème siècle bien que le
contexte de la deuxième partie du XXème siècle ait permis à ces entreprises de se développer de
façon extraordinaire. On considère généralement que la fin de la guerre froide3, l’abolition de
l’Apartheid, et la démobilisation générale qui a suivi ainsi que la multiplication des conflits de
faible intensité ont conduit d’une part un personnel très nombreux d’anciens militaires à se
reconvertir dans la prestation de services de sécurité militaire privés au sein de nouvelles
structures principalement anglo-saxonnes, et d’autre part certains petits Etats à faire appel aux
services de sociétés militaires privées. Ce secteur de la sécurité militaire privée connaît
aujourd’hui un essor particulièrement impressionnant, avec un chiffre d’affaires estimé à plus de
100 milliards de dollars chaque année.
7
Les avantages financiers du recours à des sociétés militaires privées ne sont pas négligeables. Ces
sociétés offrent des services à un prix défiant toute concurrence, et le rapport coût efficacité est
souvent largement positif. Ces sociétés mettent en avant des atouts qui expliquent leur prospérité
actuelle. Elles savent parfaitement s’adapter aux nouveaux enjeux contemporains de la sécurité.
Le Péruvien Enrique Bernales Ballesteros, qui a longtemps été Rapporteur spécial de la
Commission des droits de l’Homme des Nations unies sur la question des mercenaires, écrit
d’ailleurs en 1997 :
“ les activités des mercenaires ne font pas seulement que continuer à exister, elles
changent de nature. L’établissement de compagnies qui vendent des conseils
militaires, de l’entraînement et des services à des pays clients en échange d’argent
devient très répandu. Selon ce nouveau concept, il apparaît que tout Etat possède la
liberté d’acheter des services de sécurité sur le marché international auprès
d’organisations composées de personnes de nationalités différentes, unies par leurs
fonctions et leurs capacités à contrôler, punir et imposer un ordre voulu par le
gouvernement qui les loue, sans considérer les coûts en vies humaines, en échange
d’argent et d’une portion de ses ressources naturelles. ”4
Les sociétés militaires privées existent et se développent de façon spectaculaire également parce
qu’elles bénéficient d’un marché en expansion considérable et continue. Même si des événements
comme ceux du 11 septembre 2001 ont pu entraîner la hausse du cours de l’action de certaines
sociétés de sécurité privées comme celle de WACKENHUT Corp. (elle s’est accrue de 26% entre
le 10 et le 17 septembre5), il serait faux de dire que la croissance du marché de la sécurité ne s’est
enclenchée qu’à partir de la fin des années 1990.
3
“ The end of the Cold War left a huge vacuum and I identified a niche in the market ”, Eben Barlow, fondateur
d’Executive Outcomes.
4
Bernales Ballesteros (Enrique), in Vignolles (Jean-Marie), “ De Carthage à Bagdad, le nouvel âge d’or des
mercenaires ”, Perspectives, Les Editions des Riaux, 2006. pp.10-11.
5
Babinet (Christophe), Pallud (Eric) et Etienne (Pascal), Sociologie des sociétés militaires privées et conséquences
pour les missions des armées régulières, Centre d’études en sciences sociales de la défense, Information et sûreté
économiques, février 2006, p. 24.
8
Les firmes de sécurité britanniques se sont positionnées depuis bien longtemps sur des créneaux
comme le “ inhouse security business ” ou le “ business intelligence ”. Ainsi, les firmes de
sécurité britanniques ont pu aborder l’ère de l’expansion internationale du secteur de la sécurité
militaire privée avec sérénité car elles bénéficiaient déjà d’une expérience certaine dans ce
domaine. Par ailleurs, nombre de ces sociétés étaient performantes dans un ou plusieurs domaines
qui ont été aisément transposables ou qui leur ont permis de s’adapter plus facilement aux
services des armées ou des prestations de type sécuritaire. C’est le cas de RONCO, société de
déminage qui proposait ses services dans le cadre de l’aide au développement et qui était déjà
dominante dans son secteur avant de s’intéresser aux prestations de type directement militaire.
Les ONG britanniques, plus anciennes et plus développées qu’en France, ont également permis à
ces sociétés de sécurité militaires privées britanniques de trouver d’importants nouveaux clients.
Les années 1990 ont toutefois vu la consolidation et la croissance transnationale des grands
groupes prendre un rythme extrêmement soutenu. Ainsi, en 2004, GROUP4 SECURICOR
remplissait des missions dans 85 pays !6 Les processus de fusion - acquisition entraînent aussi
une consolidation des grands groupes, comme en témoigne la fusion en 1997 du Britannique
DEFENSE SYSTEMS LIMITED (déminage et protection) avec l’américain ARMOR
HOLDINGS (soutien tactique).
D’une manière plus générale, le développement des sociétés militaires privées provient de la
transformation dans la nature de la guerre et la tendance générale vers la privatisation de
fonctions gouvernementales, tendance que l’on trouve très marquée principalement dans les pays
anglo-saxons, l’exemple américain étant le plus significatif. Néanmoins, la politique
d’outsourcing n’implique pas forcément un affaiblissement de l’Etat, elle s’inscrit plutôt dans le
cadre d’une “ correction stratégique ”7. C’est à dire que l’Etat préfère investir dans l’équipement
par exemple pour externaliser le soutien et la formation.
L’incapacité de la communauté internationale et de l’ONU à jouer le rôle de gouvernement
mondial capable d’intervenir avec efficacité sur des théâtres d’opération comme les Balkans, en
6
Schreier (Fred) et Caparini (Marina), Privatising security, law, practice and governance of private military and
security companies, Centre pour le contrôle démocratique des forces armées, Genève, Mars 2005, p.29.
7
Chapleau (Philippe), SMP : les nouveaux shérifs des grands espaces chaotiques, Revue Agir n° 31, septembre 2007,
p. 3.
9
Afrique (Somalie, Rwanda, Libéria, Congo, Angola, Sierra Leone, Côte d’Ivoire) par exemple, a
également joué un rôle dans le recours de plus en plus massif aux sociétés militaires privées.
A cela s’ajoute bien entendu la réduction des budgets de défense et la démobilisation des grandes
armées nationales dans les pays occidentaux. En ce qui concerne les Etats-Unis, le
contingentement des armées et le déploiement intensifié des forces conduisent à la limite de leur
capacité de projection, entraînant en toute logique un appel à des sociétés privées capables de
répondre à une demande croissante dans des domaines aussi divers que : la sécurité, le conseil
militaire, le soutien logistique, la police, l’expertise technologique, et le renseignement8.
De plus, les systèmes d’armement de plus en plus sophistiqués nécessitent de faire appel à des
sociétés privées ayant des compétences particulières pour la maintenance et l’entretien de ces
armes. L’essor des sociétés militaires privées s’explique dès lors par le fait qu’elles sont devenues
incontournables durant toutes les phases d’un conflit. Les SMP, censées à l’origine servir de
soutien et d’appui aux forces armées, finissent bien souvent par participer directement aux
combats, ce qui rend les forces armées finalement dépendantes de ces SMP. De même, le rôle de
ces sociétés devient de plus en plus important pendant la phase de stabilisation d’un conflit. Et les
Etats-Unis ont largement fait appel aux SMP pour tenter d’assurer la sécurité du territoire, des
installations et du personnel. On s’accorde aujourd’hui à reconnaître que l’invasion de l’Irak
n’aurait pas été possible sans les sociétés militaires privées.
Enfin, le développement spectaculaire des sociétés militaires privées est à lier aux deux enjeux
majeurs que sont le contrôle des ressources naturelles et la protection des acteurs privés et de
leurs intérêts. Considérant l’importance des richesses présentes en Afrique, on peut affirmer sans
prendre de risque que l’enjeu du contrôle des ressources naturelles incite de nombreuses sociétés
militaires privées à s’aventurer sur les théâtres d’opération africains. Par ailleurs, des acteurs
privés, qu’il s’agisse de chefs d’Etat, d’organisations internationales ou non-gouvernementales ou
d’entreprises privées dont les intérêts se trouvent dans les zones à risques, font appel aux services
des SMP. C’est ainsi que les Etats-Unis ont intensifié en octobre 2004 le recours à des privés
dans le cadre de leur lutte contre la guérilla en Colombie et en vue de protéger leurs
infrastructures stratégiques dont l’oléoduc de Cano Limon Covenas.
10
Avant d’examiner en détail à ce qui se passe en France, il faut se pencher un peu plus sur le
modèle anglo-saxon que l’on peut considérer comme le modèle le plus abouti de sociétés
militaires privées, afin d’avoir en tête des éléments de comparaison pour mieux cerner la
spécificité française.
SECTION 2 : Le modèle anglo-saxon : modèle le plus abouti
“ Les grosses sociétés du secteur sont des multinationales britanniques ou
américaines, les Anglo-saxons sont les leaders du marché, c’est aussi le couple
américano-britannique qui imprime l’évolution des sociétés vers la globalisation (…)
il y a convergence entre le langage guerrier des capitaines d’industrie et celui des
militaires.9 ”
Lorsqu’on parle de sociétés militaires privées, on pense immédiatement aux grandes majors
américaines, britanniques et éventuellement aux entreprises sud-africaines, israéliennes ou encore
australiennes. Et ce n’est pas pour rien. Ce sont effectivement ces sociétés qui attirent le plus.
Elles décrochent des contrats s’élevant souvent à plusieurs millions de dollars et sont capables de
mobiliser des professionnels spécialisés dans des domaines très variés (En Irak, Blackwater a
gagné plus de 420 millions de dollars et Aegis a obtenu deux contrats d’une valeur de plus de 768
millions de dollars10). Les SMP sont couramment considérées comme des instruments très utiles
de la politique étrangère. On sait par exemple que le Congrès américain n’est pas informé des
contrats inférieurs à 50 millions de dollars11. Cela permet à l’exécutif américain d’utiliser les
SMP sans le consentement ni même la connaissance du Congrès. Les Etats-Unis n’ont pas
attendu leur président Georges W. Bush pour faire appel aux sociétés militaires privées. Depuis
40 ans, tous les gouvernement républicains et démocrates ont contribué à l’essor des SMP. C’est
8
Singer (Peter Warren), Corporate Warriors : the rise of the privatized military industry, Cornell Studies in Security
affairs, Ithaca :Cornell University Press, 2003, p. 15.
9
Misser (François), in Vignolles (Jean-Marie), “ De Carthage à Bagdad, le nouvel âge d’or des mercenaires ”,
Perspectives, Les Editions des Riaux, 2006. P 137.
10
Chapleau (Philippe)
11
donc un sujet qui dépasse les clivages politiques. Il est intéressant de le noter car cela montre
combien les Etats-Unis et les Anglo-saxons d’une manière générale sont en avance dans le
domaine des SMP par rapport à la France. Ainsi, Barack Obama, candidat présidentiel démocrate
aux Etats-Unis, est certes le sponsor du “ Transparency and Accountability in Military and
Security Contracting Act of 2007 ”, mais il a publiquement reconnu qu’il serait prêt à faire appel
de manière plus importante aux sociétés militaires privées en Irak.
L’objectif principal des SMP actuelles est d’apparaître crédibles et respectables. Ces sociétés ont
évidemment cherché à s’installer dans la légalité et la conformité avec la loi et les
réglementations en vigueur. Elles cherchent constamment des appuis politiques afin d’accélérer
le processus d’externalisation des fonctions de défense. Les SMP comme DynCorp ou MPRI
(Military Professional Resources Incorporated) par exemple sont même cotées en bourse.
Les prestations des sociétés militaires privées ne se limitent pas, contrairement aux idées reçues,
aux seules missions de sécurité même si ces missions sont très médiatisées et qu’elles rapportent
des bénéfices non négligeables. Comme évoqué précédemment, les services qu’elles proposent
sont aussi divers que :
•
la formation : pilotes de chasse, combattants, troupes opérationnelles…
•
le soutien : maintenance des véhicules et systèmes d’armes, assistance médicale,
transmission…
•
le “ total base support ”12 : gestion des infrastructures militaires, installation de base de
projection “ clés en main ”
•
le déminage : militaire, humanitaire…
•
le conseil : audit, intelligence économique…
11
Singer (Peter Warren) et Wipfli (Ralph), Les Etats-Unis et les sociétés militaires privées, Défense, n° 129,
Septembre-Octobre 2007.
12
•
le renseignement : mission de surveillance aérienne, collecte et traitement de l’information,
traduction, lutte anti-terroriste.
•
la protection : de personnes, de bases militaires, d’entreprises, d’installations portuaires…
Les moyens dont disposent les sociétés militaires privées anglo-saxonnes sont en général très
importants. Il s’agit des moyens humains d’abord : DynCorp International dispose de 14 400
personnes, l’américaine MPRI plus de 1500 employés, le géant de la logistique KBR environ
50 000 hommes, Vinnell utilise 1400 personnes pour entraîner l’armée saoudienne. Au total, ce
sont tout de même 48 000 hommes qui travaillent pour le compte de près de 180 sociétés
militaires privées en Irak en 200713. “ Avec ses 20000 soldats et 20 avions et hélicoptères,
Blackwater est la plus puissante armée du monde ”14, écrit Jeremy Scahill, auteur d’un livre sur
l’entreprise.
Leurs moyens matériels sont également assez impressionnants. Ces sociétés disposent parfois de
tout un arsenal militaire opérationnel. A titre d’exemple, les sociétés Glenn Defense Marine et
Pistris, spécialistes de la sécurité maritime, disposent de bâtiments et d’hélicoptères pour
défendre les navires de la marine marchande et intercepter les pirates. Blackwater, qui a fait
beaucoup parler d’elle ces derniers temps, peut selon l’un de ses co-dirigeants “ déployer une
force de la taille d’une brigade pour une opération outside continental US ”15.
Tout cela témoigne des moyens financiers très avantageux dont disposent la plupart de ces SMP.
Elles sont le plus souvent liées à des grands groupes industriels ou financiers cotés en bourse qui
parient sur les retombées financières de la privatisation de la défense. Ainsi, Group 4 Securicor
qui emploie 470 000 employés et réalise 4,3 milliards de £ de chiffre d’affaires s’est lancé
récemment dans la formation tactique et la protection rapprochée, prenant des participations dans
des sociétés comme PRG basée à Carcassonne.
Les SMP interviennent aussi bien sur le territoire sur lequel elles sont enregistrées qu’à
l’étranger. Elles peuvent fournir des services à des gouvernements légitimes à l’étranger à
12
Chapleau (Philippe), SMP, les nouveaux shérifs des grands espaces chaotiques, op. cit.
Eudes (Yves), La guerre privée des mercenaires, Le Monde Dossiers et Documents n° 366, juillet-août 2007.
14
In Claude (Patrice), “ Pistoleros à Bagdad ”, Le Monde, dimanche 23 – lundi 24 septembre 2007.
13
13
condition que les contrats soient validés par les autorités métropolitaines compétentes. Mais elles
peuvent également fournir leurs prestations à des agences internationales, des ONG ou des
entreprises. Le terrain de prédilection des SMP reste ce que William Langewiesche appelle les
“ feral zones ” ou zones grises que constituent par exemple des villes comme Sao Paulo ou
Bagdad. Ce sont en fait des zones à risques d’où se désengagent les grands Etats par souci
d’économies ou par crainte de l’opinion dans le cas de soutien à un régime peu apprécié par
exemple. L’insécurité et le besoin d’encadrement pressant dans ces zones incitent les SMP à s’y
installer et à développer leurs activités. Enfin, les SMP anglo-saxonnes ont pour ambition de
collaborer directement avec l’Organisation des Nations Unies. Elles ont ainsi proposé leurs
services dans le cadre d’opérations au Darfour et en Iturie. Elles disposent en outre d’un lobbying
très actif, incarné par l’International Peace Operation Association16 (IPOA) et son très médiatisé
président, Doug Brooks, qui ne cesse de s’intensifier et qui propose d’ailleurs un code de
conduite disponible en libre accès sur Internet.
Afin d’illustrer ces propos sur l’explosion du marché dans lequel s’engouffrent les SMP, on peut
citer un spécialiste du domaine, Peter Warren Singer qui écrit “ qu’entre 1994 et 2002, le
département de la défense des Etats-Unis a établi avec des sociétés américaines plus de 3000
contrats, dont la valeur peut-être estimée à plus de 300 milliards de dollars. ”17.
Les sociétés militaires privées anglo-saxonnes sont généralement dirigées par des militaires des
armées nationales à la retraite et d’hommes des services de renseignement ayant des relations
avec leurs structures d’origine. Ainsi, le général Carl E. Vuono, ancien chef d’état-major de
l’armée américaine, se trouve à la tête de MPRI. Les dirigeants des SMP sont donc bien souvent
de fins connaisseurs du milieu militaire et des coulisses des affaires étrangères de leur pays,
munis de carnets d’adresses bien fournis. Les SMP peuvent donc mobiliser à la fois des
connaissances techniques valorisantes et des réseaux de relations politiques qui leur permettent
15
Chapleau (Philippe), SMP : les nouveaux shérifs des grands espaces chaotiques, Revue Agir n° 31, septembre
2007.
16
Voir le site de l’IPOA : www.ipoaonline.org.
17
“ Indeed, from 1994 to 2002, the U.S. Defense Department entered into more than 3.000 contracts with U.S.-based
firms, estimated at a contract value of more than $300 billion. ” Singer (Peter Warren), Corporate Warriors, The
Rise of the Privatized Military Industry, Ithaca and London, Cornell University Press, 2003, p. 15.
14
de faire pression sur les décideurs en place pour obtenir des contrats et pour accélérer le
processus d’externalisation de la défense.
Un autre point intéressant concerne le processus de recrutement des SMP. Le plus souvent, elles
recrutent via leurs réseaux de relations quand le demandeur d’emploi ne présente pas des
compétences particulièrement recherchées. Mais de plus en plus souvent, ces sociétés recrutent
ouvertement via Internet et des petites annonces en ligne18 ! Les individus qui postulent sont en
général en quête d’aventure et/ou attirés par l’argent. En effet, les grandes SMP anglo-saxonnes
rémunèrent assez grassement leurs employés. “ Aujourd’hui, la fourchette va de 1000 dollars par
mois (…) à 25.000 dollars par mois.19 ”
Cependant, il faut préciser que les salaires ont beaucoup baissé depuis 2002-2003 et l’invasion de
l’Afghanistan et de l’Irak. De plus, les employés des SMP doivent le plus souvent payer une
assurance et des impôts qui leur reviennent extrêmement cher. Ils doivent aussi trouver un
logement eux-mêmes, bien souvent dans des zones vertes réputées moins dangereuses mais très
coûteuses. Tout cela constitue une réelle désillusion pour qui s’attend à obtenir un salaire très
important. Aujourd’hui en Irak, le salaire du combattant privé ne dépasse que rarement celui du
soldat de l’armée régulière qui touche moins au départ, mais dont les avantages liés à son statut
lui permettent de conserver une bonne partie de son salaire.20
Enfin, il faut évoquer, à propos des SMP anglo-saxonnes, l’ensemble juridique qui les encadre.
Sa caractéristique principale est qu’il est très lacunaire. Ainsi, aux Etats-Unis, aucun texte ne
réglemente directement les activités des sociétés militaires privées. La révision du Neutrality Act
(de 1794) qui date de 1937, interdit seulement les engagements et les recrutements de
mercenaires effectués sur le territoire américain. Toute personne étrangère impliquée dans une
affaire de mercenariat depuis moins d’un an sera exclue de l’accès à la nationalité américaine.
Ensuite, le Uniform Code of Military Justice condamne seulement les actes répréhensibles
commis par des militaires américains et des civils travaillant directement pour le Pentagone, mais
pas ceux qui le seraient par d’autres civils américains dont, bien sûr, les mercenaires. Dernier
18
Voir les sites de recrutement de personnel : http://www.dangerzonejobs.com et http://www.portaliraq.com.
Le Pautremat (Pascal), Des Affreux aux sociétés militaires privées, Défense n° 129, septembre-octobre 2007.
20
Entretien téléphonique du 19 mars 2008 avec Philippe Chapleau.
19
15
point intéressant en ce qui concerne les Etats-Unis : des poursuites ne peuvent être engagées
contre un employé d’une société privée de sécurité ayant commis un crime ou un délit que par
l’Etat étranger sur le territoire duquel ces infractions auraient eu lieu.
La position des britanniques peut être symbolisée par ce qu’écrivit l’ambassadeur de la Couronne
à Genève le 31 janvier 1996 : “ Le recrutement de mercenaires au Royaume-Uni n’est illégal que
dans un nombre très limité de cas (par exemple lorsque des citoyens britanniques s’engagent dans
les forces d’un Etat étranger en guerre avec un autre Etat étranger qui est en paix avec le
Royaume-Uni). Il a été envisagé d’adopter une loi pour donner effet à la Convention
internationale contre le recrutement, l’utilisation, le financement et l’instruction de mercenaires
mais, d’un point de vue juridique, une telle loi serait très difficilement applicable ”21. En février
2002, le ministère des Affaires Etrangères britannique proposait de réguler les activités des
sociétés militaires privées, en recommandant notamment la mise en place d’une procédure
d’autorisation et de contrôle destinée à légitimer et à légaliser uniquement celles qui servent de
soutien à sa politique étrangère.
Telles sont les principales caractéristiques des sociétés militaires privées anglo-saxonnes. Parce
qu’elles font office de référence quand on parle des SMP, il est intéressant d’avoir en tête leurs
caractéristiques principales lorsque l’on étudie ce qui se passe en France : non pas pour essayer
de calquer ce modèle en France (il serait vain et absurde de le tenter, d’une part parce que le
contexte est complètement différent dans les deux cas, d’autre part parce que le modèle anglosaxon n’est pas dénué de défauts, bien au contraire , comme nous le verrons par la suite). Il est
clair que la France ne dispose pas encore de structures opérationnelles du type des SMP anglosaxonnes. Néanmoins, si l’on mise sur le développement des sociétés françaises accompagnant le
processus d’externalisation des conflits, on peut aisément imaginer que des sociétés militaires
privées à la française puissent voir le jour dans un avenir pas si lointain.
21
Lettre citée dans le rapport A/51/392 du 23 septembre 1996.
16
PREMIERE PARTIE: un état des lieux du marché et
des sociétés de sécurité privées françaises
“ Il vaudrait mieux parler de sociétés de sécurité privées remplissant parfois des
tâches de caractère militaire que de sociétés militaires privées. ”22
Où en est-on aujourd’hui du processus d’externalisation qui a réellement commencé en
France au début des années 1990 ? Comment se positionnent les sociétés de sécurité
privées françaises par rapport à ce lent processus ? Avant de pouvoir se projeter dans
l’avenir, il est nécessaire de s’attarder sur le paysage actuel de l’industrie de la sécurité
privée en France.
CHAPITRE 1 : Le positionnement des sociétés de sécurité
privées françaises sur le marché et leurs domaines d’action
Les sociétés de sécurité militaires privées font l’objet d’un développement récent en France. Cela
tient principalement à la frilosité des dirigeants politiques français à accélérer l’externalisation de
certaines tâches profitables aux sociétés de sécurité privées. Pourtant, la pénétration et la
croissance du marché de la sécurité et des services militaires privées en France pourraient sans
22
Selon les propos d’un officier de l’état-major des Armées, cité dans Babinet (Christophe), Pallud (Eric) et Etienne
(Pascal), Sociologie des sociétés militaires privées et conséquences pour les missions des armées régulières, Centre
d’études en sciences sociales de la défense, Information et sûreté économiques, février 2006, p. 319. Dans ce
mémoire, on parlera de “sociétés de sécurité militaire privées” pour évoquer ces sociétés qui sont ou tentent de
s’installer sur les créneaux de la sécurité et des services militaires en France.
17
doute profiter à notre pays, même s’il est absolument nécessaire de poser dés le début des
conditions à une efficacité des sociétés militaires privées à la française.
SECTION 1 : Un marché dont la France peut tirer profit
Lorsque l’on traite de l’usage des mercenaires, on doit évoquer les abus qui en sont fait. Mais
l’émergence et la consolidation d’une réelle industrie de la sécurité encadrée en France
permettraient sans doute de limiter les bavures liées à l’expansion d’un mercenariat incontrôlable.
Puisqu’on en est encore aux balbutiements de la mise en place et de la croissance des sociétés de
sécurité militaire privées en France, il semble que ce soit le bon moment pour orienter le
développement de l’industrie privée de services de sécurité militaire de manière qu’il réponde
aux critères essentiels d’un Etat de droit démocratique. L’Etat pourrait trouver des avantages non
négligeables s’il osait externaliser davantage dans le domaine de la Défense. Et les entreprises
françaises qui se développent actuellement y trouveraient également des bénéfices très
importants.
A- L’Etat trouverait des avantages à externaliser davantage dans le domaine
de la Défense
Notre pays a toujours fait usage de mercenaires à des fins de politique étrangère généralement
inavouables. Pour ne s’en tenir qu’à une période récente, les gouvernements de la Vème
République ont tous fait appel à des mercenaires pour atteindre en toute discrétion des objectifs
de politique étrangère. Le terrain de prédilection est resté pendant longtemps le continent africain,
avec la mise en place de la Françafrique, sorte de “ système d’encadrement strict des
gouvernements issus des indépendances ”23. Cela permettait particulièrement à la France de
protéger ses intérêts sur le continent noir.
L’externalisation de services militaires peut être bénéfique à notre pays pour plusieurs raisons. Le
recours ponctuel à des prestataires de services est moins coûteux que l’entretien de forces armées
23
Renou (Xavier), dir., La privatisation de la violence. Mercenaires et sociétés militaires privées au service du
marché, Dossiers Noirs, Agone, Marseille, 2005, p. 392.
18
nationales. La réduction des coûts se situerait entre 6 % et 10 %24, ce qui est loin d’être
négligeable, même si c’est peut-être moins qu’escompté. La délégation de services militaires
permet en effet de faire des économies sur les salaires, les retraites, mais aussi sur les
investissements. Des domaines comme par exemple la sécurité, le maintien de la paix, le
renseignement peuvent très bien être soumis à la fameuse exigence de résultats à laquelle toute
entreprise respectable est soumise. Cela permettrait finalement de recentrer l’armée nationale sur
son vrai travail : le combat. Les sociétés militaires privées ont déjà démontré que leur
intervention était moins coûteuse et plus efficace que celles des armées nationales, -surtout dans
certaines zones sensibles -, et des Casques bleus, en favorisant le retour rapide à la paix.
Ensuite, l’externalisation de la défense peut être vue comme un moyen de renforcer les capacités
d’action de l’Etat et la présence de forces sécuritaires françaises dans des zones où l’Etat
traditionnellement se désengage, par manque de forces militaires, de volonté politique ou même
par crainte de l’opinion publique. Toutefois, il faut préciser que l’externalisation peut concerner
l’outil militaire, mais ne doit en aucun cas concerner la décision politique. Ce qui relève de la
décision politique doit rester un “ bien public ” pour éviter des dérives en matière de décision
militaire. En plus d’alléger certaines missions dévolues traditionnellement à l’armée, l’ouverture
du marché à des sociétés de sécurité militaire privées permettrait d’accompagner l’armée dans
des missions de façon à la soutenir sur certains créneaux.
L’envoi de sociétés de sécurité militaire privées françaises dans certaines zones sensibles pourrait
également permettre d’y conserver une présence française, accroissant ainsi la crédibilité de
l’action française à l’étranger. L’utilisation des opérateurs privés permettrait en effet aux autorités
d’étendre le rayonnement de la France dans le monde.
En outre, aucune société de sécurité militaire privée française, même les plus extrêmes25,
n’affiche la volonté de participer directement à des combats. Ces sociétés savent pertinemment
que l’Etat n’est pas prêt à déroger à l’exercice de ses fonctions régaliennes, et la participation
24
Chapleau (Philippe), SMP, les nouveaux shérifs des grands espaces chaotiques, Revue Agir n° 31, septembre
2007.
25
Secopex s’affichait comme “ société militaire privée ” à part entière, mais ne voulait en aucun cas percer dans la
lutte armée, selon son ancien directeur commercial David Hornus.
19
directe aux combats n’est pas prête à être externaliser. Dès lors, pourquoi tirer la sonnette
d’alarme et crier au scandale en prétendant que le développement d’un marché de la sécurité
militaire entraînerait inévitablement l’avènement de sociétés incontrôlables et déviantes ?
La crainte d’externaliser en France n’est certes pas totalement infondée, mais elle ne tient pas
assez compte du fait que les sociétés capables de se positionner sur le marché de la sécurité
militaire émergent doivent prouver leur légitimité pour être reconnues et susceptibles d’attirer les
clients. Il nous semble que cette crainte provient surtout de l’observation de l’expérience des
SMP anglo-saxonnes et de leurs déviances régulières. Les SSMP françaises doivent donc jouer la
carte de la légalité, ce qui constitue tout de même déjà une garantie contre d’éventuelles dérives.
La France pourrait par conséquent compter sur des sociétés intègres et loyales pour étendre son
influence dans des zones chaotiques au sein d’un monde de plus en plus complexe. Les effectifs
de l’armée française se réduisent, suivant la logique de réduction des coûts militaires. L’armée va
perdre dans les années à venir entre 30000 ou 60000 hommes (selon les sources). 26
Notre pays ne fait donc pas figure d’exception et les investisseurs français peuvent envisager
l’avenir avec optimisme, la privatisation de la sécurité publique et de la guerre permettant de faire
des profits considérables. Même si l’on ne peut pas raisonnablement comparer le marché de la
sécurité militaire américain au marché français, celui-ci peut rapporter beaucoup, certaines
entreprises françaises commencent déjà à réaliser des chiffres d’affaires (CA) importants. La
société GEOS, première vraie société de sécurité privée en France, réalise un CA de près de 30
millions d’euros, ce qui n’est rien comparé aux quelques milliards réalisés par des américaines,
mais qui dénotent toutefois d’une certaine importance.
26
Entretien du 19 février 2008 avec Jean-Marie Vignolles.
20
B- Les SSMP françaises trouveraient dans une externalisation plus poussée
des avantages importants
L'externalisation est définie par une directive ministérielle comme “ un mode de gestion ancien
qui consiste, pour l’administration, à confier à un ou des partenaires externes spécialisés, une
fonction, une activité ou un service assurés jusqu’alors en régie ”27.
Les SSMP françaises pourraient sans doute profiter d’une externalisation plus poussée des
fonctions de la Défense. Elles auraient en effet tout intérêt à se positionner sur un secteur porteur
qui rapporte beaucoup. Pour exister et trouver des contrats qui leur permettent de progresser, les
SSMP françaises sont aujourd’hui limitées à des domaines comme le soutien, la formation, le
déminage, le renseignement ou l’audit. Comme ces sociétés ne peuvent pas compter sur la
volonté de l’Etat d’externaliser ni sur des contrats gouvernementaux d’envergure, elles se
tournent logiquement vers des clients privés (diplomates étrangers, VIP, hommes d’affaires) ou
des clients commerciaux (entreprises). Dès lors, les services qu’elles proposent se limitent le plus
souvent à la protection rapprochée, la sécurité, la surveillance et l’intelligence économique. Mais
si elles pouvaient bénéficier de contrats gouvernementaux importants, elles pourraient se
diversifier et proposer des compétences dans des domaines plus nombreux. Les SSMP françaises
émergentes sont bien conscientes de l’enjeu que représente l’externalisation de certaines
fonctions et missions relevant traditionnellement de la Défense.
L’industrie des services commence à s’intéresser à la question. Ainsi, en 2002, le Medef a créé
l’Institut Esprit Service destiné à fédérer les décideurs et renforcer le lobbying en matière
d’externalisation. Cet Institut a signé avec le ministère de la Défense une “ Charte de
l’externalisation ” et a organisé en janvier 2003 un colloque sur les perspectives d’externalisation
en France ”28, ce qui témoigne de l’intérêt que portent les partenaires à une éventuelle
privatisation plus poussée de la Défense.
27
Directive ministérielle n° 007496 du 26 mai 2003 sur la politique d’externalisation au sein du ministère de la
Défense. Voir annexe 1.
28
Les actes sont disponibles sur le site www.phenix-fm.com
21
Par ailleurs, les sociétés de sécurité militaire privées françaises savent que l’industrie de la
prestation sécuritaire est particulièrement attirante. L’activité sécuritaire représente en effet des
investissements légers à forte rentabilité. L’investissement, pour une société se sécurité militaire
privée, se limite bien souvent au recrutement de personnel. Ce recrutement est en outre
relativement facile à opérer. En général, il s’agit de trouver des personnes issues des services
spéciaux de l’armée qui sont souvent intéressées par le salaire élevé que proposent ces sociétés.
Ce personnel n’a en général pas besoin d’être formé car il provient des structures professionnelles
de la sécurité, ce qui facilite encore le recrutement. De plus, les sociétés de ce type utilisent
beaucoup l’Internet pour recruter et mettre en ligne leurs demandes de services. Comme elles
fonctionnent souvent par missions ponctuelles, elles limitent leurs coûts fixes en recrutant au
moment où elles en ont besoin. Les effectifs permanents des sociétés de sécurité militaire privées
de taille moyenne (qui sont amenées à se développer en France) peuvent tout de même remporter
de grands contrats.
En outre, même pendant les missions elles-mêmes, une société n’a pas forcément besoin de
recourir à un effectif très important. Par exemple, l’américaine BLACKWATER emploie en Irak
environ 600 hommes,
ce qui n’est pas faramineux29. Ensuite, les outils nécessaires à la
réalisation des missions (logiciels, communication voire équipement militaire), sont assez
facilement accessibles sur le marché. L’investissement n’est donc pas très important par rapport à
leur rentabilité, ce qui explique que les sociétés de sécurité militaire privées françaises puissent
rapidement proliférer sur un marché de quelques centaines de millions d’euros, comme se sont
déjà développées les sociétés de gardiennage qui connaissent les mêmes avantages.
Les SSMP françaises gagneraient en outre en crédibilité et en réputation si elles pouvaient
exploiter le marché de la sécurité en expansion continue et se développer à la faveur d’une
externalisation de certaines fonctions de la Défense. Elles pourraient accroître leur taille et
s’imposer comme des entreprises dominantes sur certains secteurs. En effet, pour l’instant, on ne
peut penser qu’elles se développent sans l’appui des grands industriels français suffisamment
riches pour les soutenir dans leur progression sur le marché. Cela permettrait d’éviter sans doute
un phénomène alarmant qui se produit de plus en plus : la mise sous tutelle des sociétés
22
françaises grandes et moyennes, par des grands groupes étrangers. Si les entreprises françaises
gagnent en renommée et en taille, elles pourront peut-être atténuer l’écrasante domination
actuelle des Anglo-saxons dans le domaine de la sécurité militaire privée, car il ne faudrait pas
que cette domination ait davantage d’implications sur le poids des Anglo-saxons dans les
décisions politiques des organisations internationales comme l’ONU par exemple.
SECTION 2 : Les conditions pour une efficacité des SMP à la française
Pour que des sociétés de sécurité militaire privées françaises continuent à se développer de façon
à servir les intérêts de la France, il faut bien sûr qu’elles fassent preuve de leur efficacité mais
aussi de leur intégrité. “ Leur effort doit être pédagogique, elles doivent convaincre de leur
légitimité morale, de leur crédibilité professionnelle, de leur indépendance politique ”30. Si elles y
arrivent, elles pourront se vanter d’avoir entendu et répondu aux critiques qui concernent
principalement leur conduite répréhensible.
Les deux principales préoccupations des pouvoirs publics en France concernant la sécurité privée
sont : la moralisation, avec l’autorisation préfectorale préalable, et la professionnalisation, avec
l’aptitude professionnelle préalable.
A- Des obligations morales et éthiques
Dans un secteur aussi sensible que celui de la sécurité et des services militaires, il faut
absolument que les sociétés présentent toutes les qualités morales nécessaires. Le contrôle de la
moralité des sociétés de sécurité privées semble extrêmement difficile. On a tenté de sortir de
l’impasse début 2006, lorsque le ministère de l’Intérieur a annoncé la création d’une carte
professionnelle pour la sécurité privée , projet repris dans la loi n° 2007-297 sur la prévention de
la délinquance du 5 mars 2007.
29
Ces informations sont disponibles sur des sites comme celui du British-American Security Information Council :
http://basicint.org.
30
Chapleau (Philippe), “ De Bob Denard aux sociétés militaires privées à la française ”, Cultures et Conflits, n° 52,
hiver 2003.
23
Mais comme les sociétés ont tout intérêt à présenter une bonne image d’elles-mêmes, la plupart
affichent une volonté réelle de respecter des principes moraux et déontologiques pour éviter toute
dérive. C’est ainsi que beaucoup d’entre elles ont adopté une charte éthique. Cela apparaît
comme un moyen pour ces sociétés de s’autoréguler. Elles s’engagent dans ces chartes à
respecter les lois en vigueur et les droits de l’Homme.
Afin de garantir le respect des principes moraux, Jean-Marie Vignolles va même jusqu’à
encourager la création (comme l’a fait la Secopex) au sein de chaque société d’un comité
d’éthique “composé de fonctionnaires issus des ministères de la Défense, de l’Intérieur ou des
Affaires étrangères, de responsables politiques nationaux ou locaux, de chefs d’entreprises et de
juristes, mais également d’universitaires, de journalistes, de représentants d’organisations
internationales ou humanitaires, voire des droits de l’homme ”31. Ces comités seraient là pour
vérifier que les sociétés ne se contentent pas de déclarations d’intention, surtout en ce qui
concerne le recrutement du personnel qui doit faire l’objet d’une attention particulière. Cette
proposition peut paraître idéaliste mais elle propose au moins un exemple de ce qui pourrait
concrètement être mise en place au sein même des sociétés pour assurer un encadrement au
niveau du respect de l’éthique. Les dirigeants des sociétés de sécurité militaire privées devraient
être soumis à des contrôles stricts et répondre à des exigences de moralité (vérification des
bulletins du casier judiciaire par exemple). Ensuite, le personnel candidat devrait disposer d’une
habilitation officielle donnant lieu à une enquête de moralité.
Les actions des sociétés elles-mêmes devraient pouvoir faire l’objet de contrôles stricts. Certains
parlent de la nécessité d’une transparence absolue. Mais en raison des contraintes de secret
défense liées aux domaines d’interventions éventuelles de ces sociétés, on ne peut exiger cette
transparence absolue. En revanche, il est possible voire nécessaire de soumettre ces sociétés au
contrôle administratif automatique, notamment financier, et de faciliter l’accès à l’information
aux clients, que ce soit l’Etat, une entreprise ou encore une ONG.
Les SSMP aiment bien faire figurer une courte formule “ éthique ” sur leur site Internet. Ainsi, la
société francophone Earthwind Holding Corporation (EHC), dont nous reparlerons en deuxième
partie, immatriculée aux Etats-Unis comme société de sûreté privée, “ se réserve le droit de
31
Vignolles (Jean-Marie), “ De Carthage à Bagdad, le nouvel âge d’or des mercenaires ”, op. cit. p. 251.
24
récuser toute activité, de même que toute personne morale ou physique non conforme ” à sa
charte d’éthique. “ Le groupe EHC se porte garant de tout personnel mis à sa disposition ”. Voici
un extrait de sa charte éthique disponible sur l’Internet32 :
“ Le groupe EHC attend de ses collaborateurs qu’ils contribuent positivement à sa
démarche éthique, dont ils sont les vecteurs au quotidien. Il leur demande donc de
respecter ces valeurs et principes, et en particulier :
•
De se conformer strictement aux lois et règlements applicables,
•
D’appliquer avec rigueur les règles édictées en matière de sécurité,
•
D’établir des rapports clairs avec clients et associés,
•
De respecter la confidentialité des informations professionnelles,
•
D’être loyaux et intègres à l’égard du Groupe EHC,
•
De ne pas intervenir dans la vie politique des pays où ils n’ont pas de droits civiques,
•
D’être attentifs à la qualité humaine au sein des équipes de travail,
•
De se conformer à l’obligation de rendre compte à son supérieur hiérarchique. ”
La SMP française Sexopex avait également rédigé une charte détaillée33 pour assurer que ses
activités soient “ conduites conformément à des standards élevés d’honnêteté, d’intégrité et
d’exigence professionnelle ”. Autre avantage qu’ont les SSMP sur l’armée nationale : elles
peuvent plus facilement écarter le personnel déviant. John Geddes, 53 ans, patron de Ronin
32
33
Voir le site du Groupe EHC : http://www.groupe-ehc.com/site.html
Voir annexe 2bis.
25
Concept et ancien officier des SAS, les commandos d’élite de l’armée britannique, déclare : “ on
virera les mauvais, on gardera les bons, ce qu’une armée ne peut pas faire ”34.
Les SSMP s’engagent toutes à respecter les Conventions de Genève et ses protocoles
additionnels35, notamment les dispositifs concernant la lutte contre le recrutement, l’utilisation, le
financement et l’instruction de mercenaires. Les sociétés de sécurité militaire privées doivent
donc être irréprochables en matière de respect des droits de l’Homme et des Conventions de
Genève, en matière de recrutement de leur personnel et de transparence financière pour espérer
en France bénéficier d’une bonne réputation et faire partie des partenaires privilégiés en matière
de sécurité militaire.
Néanmoins, toutes ces déclarations et obligations ne suffisent pas à garantir l’utilité publique de
ces SSMP. Il faut encore que ces sociétés aient un impératif d’efficacité pour obtenir des résultats
opérationnels probants, et qu’elles prouvent leur fidélité aux clients, et en particulier à l’Etat
français.
B- Un impératif d’efficacité et de fidélité
“ Une petite armée privée bien équipée pourrait stopper rapidement les massacres au Darfour. ”36
Les dirigeants des SMP affectionnent ce genre de slogans assez provocateurs. Toutefois, ces
sociétés doivent encore prouver leur efficacité, surtout en France.
Pour que l’Etat externalise davantage dans le domaine de la Défense et que cela vaille le coût de
confier des prestations à des sociétés de sécurité militaires privées, il faut naturellement que ces
sociétés prouvent leurs compétences et leur efficacité. C’est la justification de l’obligation
d’aptitude professionnelle pour tous contenue dans la loi du 18 mars 2003 et du décret
d’application du 6 septembre 2005. Les dirigeants des sociétés de sécurité militaire privées
devraient se lancer dans un processus de certification, grâce notamment aux normes ISO
(International Standarts Organization) et NF (Norme française).
34
in Eudes (Yves), in Le Monde Dossiers et Documents, op. cit., 5 avril 2007.
Voir le protocole additionnel I, Titre 3, Article 47 de la Convention de Genève, annexe 3.
36
In Eudes (Yves), idem.
35
26
Mais sans l’émergence et la consolidation d’une industrie des services militaires crédible, les
SSMP ont en effet peu de chances de pouvoir participer un jour à des missions d’ampleur
déléguées par la Défense française. Il faudrait dès lors considérer les missions déléguées aux
SSMP au cas par cas afin de voir si elles ont été plus efficaces (pour un coût au moins identique
ou inférieur) que l’armée nationale. Si les contrats avec les SSMP se multiplient aujourd’hui,
c’est sans doute un gage de l’efficacité de ces SSMP. Mais il n’existe pas d’étude permettant
d’affirmer que le recours aux SSMP est dans tous les cas avantageux car plus efficace, cet
exercice paraissant en effet particulièrement difficile. La question de l’efficacité des SSMP paraît
donc complexe, car elle dépend de la nature des prestations, des contrats, des moyens utilisés
pour mener à bien les missions.
Actuellement, les sociétés de sécurité françaises sont positionnées sur des secteurs très spécialisés
et ne proposent individuellement en général pas une offre très diversifiée. Cela signifie qu’on
peut attendre d’elles qu’elles soient efficaces dans les domaines où elles se spécialisent. Qu’en
sera-t-il lorsqu’elles auront accès à un marché de la sécurité militaire plus large, leur permettant
de développer leurs compétences de manière plus étendue ? Il ne faudrait pas qu’elles perdent en
efficacité parce qu’elles perdent justement en spécialisation. Si toutefois le principal vivier des
sociétés de sécurité militaire privées françaises restent pour l’instant le milieu policier et
militaire, on peut au moins espérer que le professionnalisme des unités recrutées parmi les
secteurs de la sécurité en France constitue une garantie d’efficacité des sociétés qui les emploient.
Les SSMP françaises devront aussi prouver leur fidélité à la France, quels que soient les contrats
qu’elles ont signés. Il est en effet impensable que l’Etat externalise davantage s’il doute de la
fidélité des sociétés qui occupent les domaines ainsi créés. Ensuite, la fidélisation aurait des
avantages non négligeables : elle permettrait de réduire les coûts liés à la recherche d’un
prestataire de services et limiterait les effets de doute quant à la qualité de celui-ci. En outre, les
sociétés privées auraient toujours la possibilité de se tourner vers l’Etat si elles se trouvent être en
manque de contrats d’envergure par exemple.
Tous ces arguments indiquent que l’Etat pourrait trouver des avantages à externaliser davantage
et à faire appel aux sociétés de sécurité militaire privées françaises. Cela montre également
27
combien il est nécessaire d’accompagner ce processus d’externalisation pour qu’il représente
réellement une opportunité pour la France et non un fardeau.
CHAPITRE 2 : Un marché de la sécurité spécifique qui
explique la nature de ces sociétés de sécurité françaises :
L’externalisation de la défense en France n’est pas du tout aussi systématique que dans les pays
anglo-saxons qui recourent habituellement à des sociétés militaires privées. Pourtant, comme on
l’a présenté ci-dessus, les avantages liées à l’externalisation existent bien. Pourquoi les autorités
militaires françaises sont-elles si frileuses à externaliser des activités majeures ? Pourquoi est-il
nécessaire d’encourager une collaboration entre les sociétés de sécurité militaire privées et
l’Etat ?
SECTION 1 : L’externalisation de la défense en France : une volonté mise à
rude épreuve
A- La volonté des autorités françaises à externaliser dans certains domaines
Si la Défense française s’est longtemps contentée de confier à des sociétés privées l’entretien des
espaces verts, le transport des personnels et l’entretien de la bureautique par exemple, certains
domaines plus importants ont déjà fait l’objet d’une externalisation en France. Le Conseil
économique de la Défense, dans un avis du 16 juillet 2001, avait donné son accord pour
l’externalisation dans le domaine du soutien (alimentation, entretien, location de véhicules,
maintenance informatique) tout en précisant que l’armée ne pouvait se séparer de son “ cœur non
délégable ”. Il semble que l’institution militaire songe sérieusement à poursuivre ce processus. Le
cadre général de l’externalisation en France a été fixé par la directive ministérielle n° 30 892 du
30 août 2000. Les exemples sont nombreux de tentatives d’externalisation dans les différentes
28
armées françaises. Ainsi, l’Assemblée Nationale examinait en 2000 cette directive et en faisait
l’appréciation suivante :
“ Les crédits d'externalisation du ministère de la Défense ont représenté 2,9 milliards de francs
(442 millions d'euros) soit 15 % du titre III hors rémunérations et charges sociales. En 2002, ils
devraient représenter 533,6 millions d'euros, soit 16,8 %.
Ainsi que le montre le tableau suivant, ce sont principalement les services communs (service de
santé, essences) ainsi que la DGA qui externalisent la plus forte proportion de leurs activités.
Mais il convient de rester prudent dans les comparaisons dans la mesure où le calcul des crédits
d'externalisation peut varier selon les armées et les services. ”
Externalisation 2000
Armée
ou
En millions de
En millions
francs
d'euros
service
Prévisions 2002
En % T III En millions de
hors RCS
francs
En millions
En % T III
d'euros
hors RCS
Armée de Terre
976,0
148,79
16,6 %
1 158,0
176,54
18,7 %
Marine
551,6
84,09
20,2 %
606,6
92,48
20,5 %
Armée de l'Air
442,6
67,47
13,0 %
611,1
93,16
16,0 %
Gendarmerie
59,6
9,09
1,6 %
77,3
11,78
1,8 %
Service de santé
456,0
69,52
28,5 %
486,0
74,09
30,3 %
Service des essences 35,5
5,41
21,3 %
35,5
5,41
21,3 %
DGA
358,0
54,58
19,3 %
500,0
76,22
29,2 %
2 879,3
438,95
14,9 %
3 474,5
529,68
16,8 %
TOTAL
29
Les principaux domaines d'activité externalisés sont les suivants :
•
en ce qui concerne le soutien du personnel : l'alimentation, la formation, l'instruction et le
transport ;
•
pour l'entretien des immeubles et du domaine : l'entretien immobilier, l'entretien des espaces
verts, le nettoyage des locaux, la collecte des ordures ménagères et des déchets ;
•
pour la communication et la documentation : la reprographie, l'impression et une partie des
relations publiques ;
•
pour l'informatique et la télématique : l'entretien, la fourniture de logiciels ainsi que certaines
transmissions et communications.
Enfin, d'autres activités telles que l'entretien automobile, l'entretien de petits matériels, le
transport de matériels, l'accueil et le gardiennage etc. sont également externalisées dans une large
mesure. Comme on le constate, l'externalisation semble s'arrêter aux tâches de soutien même s'il
est parfois difficile de tracer la frontière entre le soutien et l'opérationnel. Les syndicats insistent
d'ailleurs sur la nécessité de définir précisément les “ métiers de la défense ”, c'est-à-dire ce qui
n'est pas délégable, donc pas externalisable.
1. L’exemple de l’armée de l’air
•
La base aérienne de Villacoublay a confié le transport de personnels, l’entretien des espaces
verts, le nettoyage des locaux, mais aussi la maintenance de certains aéronefs à des sociétés
privées. Or, le recours à ces sociétés ne s’est pas traduit par une dégradation de la qualité des
prestations. En revanche, les économies liées à l’externalisation ont été surestimées.
•
Le site de Varennes-sur-Allier a commencé à confier certains services à des sociétés privées à
partir du printemps 2001. C’est le cas de l’entretien des véhicules de la gamme commerciale,
la protection du site, l’entretien des infrastructures et le soutien médical du personnel civil.
•
Sur la base de Romorantin, l’Etat-major de l’armée de l’air a en outre confié l’entretien de
son réseau informatique à des prestataires civils.
30
Le comité directeur de l’externalisation dans l’armée de l’air, appuyé par un comité de pilotage
ainsi que onze groupes de travail, se penchent également sur de nouvelles études exploratoires :
“ Il s’agit en fait de généraliser l’externalisation de toutes les tâches qui ne sont pas directement
liées aux missions de préparation de combat ”37.
2. L’exemple de l’armée de terre
Le groupe de liaison G2S, formé de généraux de 2ème section, s’interroge depuis 2002 sur les
modalités d’une externalisation plus poussée, et met le doigt sur la différence entre
l’externalisation en temps de paix et en temps de guerre, reconnaissant que la frontière entre les
deux est souvent très mince. Le général Lair, qui commandait la Force logistique terrestre,
précise que “ les prestations civiles en zone d’intervention ne peuvent s’appliquer qu’en période
stabilisée ou en zones éloignées de débarquement […]. Il est essentiel que la logistique
opérationnelle préserve un noyau dur de spécialistes dans toutes les formes de soutien pour
intervenir dans les zones à risques ”.
Ainsi, soutenue par les contraintes budgétaires et la réduction des effectifs de l’armée,
l’externalisation a bel en bien commencé en France. Elle est de plus en plus considérée comme
un moyen efficace pour la Défense d’améliorer durablement le service qu’elle rend à la
collectivité nationale. Le gouvernement a même été jusqu’à confier la formation initiale de
pilotes d’hélicoptère à l’école Amaury de la Grande en 2004. Les mentalités évoluent donc,
comme en témoigne encore une enquête du Lares, le laboratoire de recherche en sociologie de
l’université de Rennes 2, qui montre que 77% des officiers de l’armée de terre sont favorables à
un recours au privé.
B- Une volonté freinée par la tradition régalienne de l’Etat en France
Cette amorce d’externalisation se voit freinée principalement par l’absence de doctrine venant
des états-majors français sur le sujet, et par la prudence dont font preuve les autorités lorsqu’on
37
Chapleau (Philippe), op. cit., p.183.
31
s’approche des tâches militaires, qui restent l’apanage des armées. Un journaliste français,
spécialiste de la question38, indique qu’un groupe de travail auprès du Bureau des affaires
réservées de l’état-major général étudie depuis début 2004 “ les enseignements de
l’externalisation à l’américaine pour ce qui concerne le soutien mais aussi certaines tâches
assurées par les forces spéciales (gardes du corps, transport de personnalité en zones
dangereuses) ”. Mais ce groupe de travail souligne immédiatement que la France évite de toucher
à des fonctions aussi sensibles. Et à moins de considérer Sodexho ou Onyx comme des SMP, les
grandes entreprises bénéficiaires des fonctions externalisées par l’Etat n’ont encore rien de
militaires. Un rapport parlementaire de 2002 sur “ L’externalisation de certaines tâches relevant
du ministère de la Défense ”39 apporte des précisions intéressantes. Il indique par exemple que
plusieurs principes ont été posés :
•
“ Les activités concernées relèvent principalement des fonctions de soutien sans qu’aucune
liste soit publiée, les décisions d’externalisation étant prises au cas par cas ” ;
•
“ Dans un souci d’efficacité, l’externalisation est gérée au niveau le plus déconcentré ” ;
•
“ Dans un but de réversibilité, il a été décidé de conserver au sein du ministère une
compétence minimale pour pouvoir éventuellement réintégrer l’activité externalisée. ”
Les expériences d’externalisation dans des domaines plus spécifiques aux armées se limitent
essentiellement à la location de capacités de transport aérien (ou d’avions d’entraînement) et le
soutien général de certains sites. Et cela seulement en France métropolitaine et hors de tout
contexte de projection de forces. Cela montre aussi l’utilisation abusive du terme
“ externalisation ” que l’on emploie ici pour désigner la simple location d’appareils !
Par ailleurs, les autorités françaises peuvent craindre plusieurs conséquences à une externalisation
plus poussée comme l’expliquent deux spécialistes de l’Outsourcing 40:
38
Leymarie (Philippe), “ Défenses européennes en voie d’externalisation ”, Paris, Le Monde Diplomatique,
Novembre 2004.
39
Dasseux (Michel), Rapport d’information n° 3595 relatif à l’externalisation de certaines tâches relevant du
ministère de la Défense, Assemblée Nationale, Commission parlementaire de la Défense nationale et des Forces
Armées, 12 février 2002.
40
Quélin (Bertrand) et Barthélémy (Jérôme)
32
•
“ un lien de dépendance quasi irréversible ” avec le prestataire de services,
•
“ une perte de contrôle de l’activité ” avec le risque que le prestataire divulgue des
informations confidentielles,
•
“ une perte de savoir-faire ”,
•
“ un risque de sous-performance ou de non-performance ”,
•
“ des risques de défaillances (techniques, financières ou sociales) du prestataire ”…
Lorsqu’il s’agit du domaine militaire, ces risques ne peuvent pas être négligés. Dans ce contexte,
on a du mal à envisager que la France puisse faire appel, dans un avenir plus ou moins proche, à
des “ sociétés militaires privées ”. La réflexion autour des sociétés de sécurité militaire privées
françaises étant étroitement liée au débat sur l’externalisation, il faut regarder ce que les instances
officielles pensent d’une éventuelle intensification du rôle de ces sociétés françaises. Ainsi,
l’Etat-Major des armées ne détache qu’un seul officier supérieur pour s’occuper spécifiquement –
parmi d’autres responsabilités – du suivi du phénomène SMP. On observe que le silence reste la
règle pour éviter d’avoir à reconnaître ce genre de sociétés. En outre, les autorités françaises ne
sont pas du tout convaincues qu’il faille prendre position sur le sujet, sous prétexte que la France
n’a pas encore eu a gérer de situation conflictuelle nécessitant le recours à des sociétés de ce type.
Tant qu’il n’y aura pas de doctrine écrite sur le sujet, il semble que le problème du recours à des
sociétés de sécurité militaire privées soit voué à demeurer.
Pourtant, comme la désobéissance est également parfois une vertu, des SSMP se sont créées en
France et continuent à émerger, en proposant pour l’instant leurs services dans des domaines
moins sensibles mais qui sont peut-être destinés à s’élargir. Ainsi, il semble que la collaboration
entre ces sociétés privées et l’Etat et les autorités compétentes soient inévitables pour éviter la
confrontation. Il faut donc encourager cette collaboration pour éviter que ces sociétés ne se
tournent vers d’autres types d’actions peu honorables et nuisent ainsi aux intérêts de la France.
33
SECTION 2 : Pourtant il est inévitable voire nécessaire d’encourager une
collaboration entre les sociétés privées et l’Etat en France
Les sociétés de sécurité militaire privées, qui se développent dans un pays qui hésite à
externaliser des fonctions de Défense, doivent se préparer à répondre à d’éventuelles missions
habituellement réservées à l’institution militaire. Pour cela, il faut privilégier le dialogue entre les
acteurs publics et les acteurs privés.
A- Une collaboration en cours qu’il faut poursuivre et approfondir
Compte tenu de la concurrence sauvage qui apparaît actuellement en France dans le domaine de
la sécurité privée et des incertitudes juridiques qui caractérisent le domaine, il est urgent
d’élaborer un vrai partenariat public-privé, pour la sécurité globale du pays, où chacun puisse
trouver sa place. Pour cela, Pierre Brajeux41 pense qu’“ il est primordial de créer une enceinte
officielle où collaborent des représentants des pouvoirs publics, des prestataires de sécurité privée
et de leurs clients. Il est indispensable pour l’avenir de la sécurité privée de combler le fossé
culturel qui la sépare de l’Etat, pour bâtir un cadre clair, pragmatique, efficace mais contrôlé,
pour qu’enfin les discours soient en phase avec les actes ”.
Déjà, depuis juin 2004, les partenariats publics-privés (PPP) permettent à ces entreprises civiles
de financer, construire et gérer des équipements (casernements, centres de formation) ou de
matériels (navires de combat) qui sont utilisés par les armées. Ces PPP sont directement inspirés
par les Private Finance Initiatives britanniques. Ils ont aussi prévu la construction de 17 frégates
pour un coût de 5 milliards d’euros. La mise en place de ces PPP a eu le mérite de permettre à
l’Etat de recourir à des prestataires privés de services militaires beaucoup plus facilement, et
fournit également la possibilité aux SSMP de jouer un rôle plus important dans des programmes
de financement, de construction, d’exploitation ou de maintenance par exemple. Quoi qu’il en
41
Brajeux (Pierre), “ Les sociétés de sécurité privées : mythes et réalités ”, Sécurité-Sûreté. M. Pierre Brajeux est
président-directeur général de Thorann France, et vice-président du Syndicat national des entreprises de sécurité
(SNES). Il est par ailleurs intervenant à l’Institut d’Etudes et de Recherche pour la Sécurité des Entreprises.
34
soit, l’Etat en France est intransigeant : la Défense, c’est son domaine. Plutôt que de passer par
des contrats à l’étranger qui ne seraient pas bien vus, il vaut donc mieux traiter directement avec
l’Etat. En effet, une autorisation d’exercer de la part de l’Etat implique généralement son soutien.
En outre, on sait que cela arrange tous les partenaires : aux Etats-Unis par exemple, il est clair
que les grands groupes comme MPRI, Vinnell ou KBR n’existeraient plus sans l’appui du
gouvernement américain !
B- La coexistence armée - SSMP en France :
La France n’est pas encore bien préparée pour gérer la coexistence de ses armées avec des
sociétés de sécurité militaire privées. Des SSMP se sont positionnées dans des domaines qui
impliquent des contacts avec les armées françaises, y compris sur les théâtres d’opération. Elles
ont développé des compétences dont peuvent bénéficier les armées et qu’il serait malavisé de ne
pas utiliser. La collaboration entre SSMP et armées nationales est donc tout à fait envisageable,
elle est même souhaitable, à condition d’être strictement encadrée. Mais il était plus facile de
délimiter les compétences des militaires et des employés des SSMP lorsque les différentes phases
d’une intervention (phase de combat, phase de stabilisation, phase de stabilité) étaient bien
séparées. On assiste de plus en plus à un effacement de cette linéarité des combats. En Irak par
exemple, la séparation entre les trois phases est beaucoup moins nette. Il devient très difficile de
délimiter les compétences respectives des armées et des SSMP lorsque ces phases se
chevauchent !
Ainsi, la France est hostile à toute participation directe des SSMP aux combats. En revanche, elle
accepte leur action dans le cadre de la phase de stabilité, une fois que les forces armées nationales
peuvent quitter le théâtre des opérations. Par conséquent, c’est pendant la phase de stabilisation
que l’activité des SSMP peut poser un problème. En effet, si les combats ont cessé durant cette
phase, de nombreux risques restent présents (attentats, mouvements de foule...). Les SSMP
françaises sont pourtant bien présentes sur le terrain, comme en témoigne l’évacuation
d’employés civils par GEOS (une société de sécurité française) lors de la crise ivoirienne de
35
2002. Les forces armées ne peuvent pas assurer la sécurité de tous les acteurs présents sur le
terrain (ONG, entreprises participant à la reprise économique de la région…). Il faut donc
qu’elles travaillent avec des sociétés privées chargées d’accomplir ces missions, également
pendant la phase de stabilisation.
Les militaires français ne sont généralement pas contre cette idée. D’une part, certaines activités
comme le renseignement ou l’équipement ne sont pas des domaines concurrents. D’autre part, les
forces armées nationales n’ont pas à “ craindre ” la concurrence des SSMP. Un officier français
déclare : “ les SSP ne pourront jamais concurrencer les forces armées sur le plan de la formation.
Par essence, elles ne recruteront que des personnels déjà formés ayant de plus acquis une certaine
expérience ”42. Les SSMP françaises ont donc une raison de plus de jouer un rôle, aux côtés des
forces armées nationales. En outre, la sécurisation d’un territoire devient de plus en plus difficile,
et de brèves périodes de sécurité peuvent toujours laisser la place à des résurgences de la
violence, comme on l’a vu récemment en Côté d’Ivoire.
On ne peut évoquer la coexistence des armées et des sociétés de sécurité militaire privées
françaises sans parler des risques liés à une coopération entre elles. On dénombre trois types de
risques :
•
L’externalisation d’un trop grand nombre de tâches pourrait entraîner un risque grave de
rupture dans la continuité des prestations. Les Anglo-saxons, en externalisant au maximum,
ont déjà fait l’expérience de ce type de problèmes. Par exemple, des sociétés britanniques
chargées du pliage des parachutes militaires et du transport de carburant ont fait grève,
handicapant gravement l’activité de l’armée anglaise.
•
Comment concilier les intérêts stratégiques et tactiques de l’armée régulière et les intérêts
commerciaux des SSMP sans provoquer d’incidents ? La situation de l’aéroport de Bagdad en
septembre 2005 illustre bien ce type de risques. la protection, la sécurité à terre et le
personnel au sol pour les vols civils étaient fournis par la SMP anglaise GLOBAL
42
Babinet Christophe, Pallud Eric et Etienne Pascal, Sociologie des sociétés militaires privées et conséquences pour
les missions des armées régulières, Centre d’études en sciences sociales de la défense, Information et sûreté
économiques, février 2006, p. 322.
36
STRATEGIES. Lorsque le gouvernement irakien eut décidé de ne plus honorer les termes du
contrats, la firme décida de fermer l’aéroport. Les troupes irakiennes étaient prêtes à rouvrir
l’aéroport par la force, ce qui aurait pu conduire à une confrontation directe avec les troupes
de l’armée régulière américaine présente sur les lieux.43 Par ailleurs, les différences de statut
entre les militaires et employés des SSMP peuvent entraîner des risques en ce qui concerne
par exemple les obligations de loyauté, d’obéissance. Si une coopération institutionnalisée
venait à s’établir entre les armées françaises et les SSMP sur des théâtres d’opération
extérieurs, à qui les employés des SSMP devront-il obéir en priorité ?
•
Enfin, les troupes de l’armée régulière risqueraient éventuellement de ne pas accepter
facilement les différences de traitement qu’elles remarqueraient entre les employés privés et
les soldats réguliers. Par exemple, le salaire plus élevé d’un employé par rapport au soldat qui
réalise le même travail in fine pourrait démotiver le soldat et conduire à préférer travailler
pour une société privée plutôt que de s’engager dans l’armée régulière.
Certains pensent que la réflexion autour de ces risques n’a pas lieu d’être puisque la fièvre autour
des SMP est simplement due à l’extraordinaire croissance du marché des SMP irakien. Pourtant,
un observateur au sein de l’armée française44 explique que le processus d’acceptation du rôle des
SSMP en France est le suivant :
•
“ Le phénomène existait mais à longtemps été ignoré
•
puis on en a pris conscience, et il a été toléré faute de mieux.
•
actuellement, on commence à l’admettre.
•
Demain, il sera probablement reconnu. ”
43
44
Naughton (Philip), “ K firm closes Baghdad airport in row over unpaid bills ”, Times Online, 9 septembre 2005.
Babinet (Christophe), Pallud (Eric) et Etienne (Pascal), Op. cit., p.326.
37
Ce phénomène est sans doute amené à perdurer, ce qui explique qu’il faille sans plus tarder
s’attaquer aux risques liés à l’utilisation et à la prolifération des sociétés de sécurité militaire
privées. C’est pourquoi, dans une deuxième partie, il faut s’attarder sur l’encadrement juridique
de ces SSMP, avant de procéder à une étude plus sociologique de ces mêmes sociétés, pour juger
qu’il reste encore des progrès à faire dans le domaine de la sécurité militaire privée en France.
38
DEUXIEME PARTIE
Les sociétés de sécurité militaire privées en France : un
avenir certain encore à décider
Alors que les sociétés de sécurité militaire privées se développent en France, où en est le
dispositif législatif concernant ces sociétés ? Est-il suffisamment solide ? Cette question est
étroitement liée à celle du rôle spécifique que l’on pourrait donner aux SSMP françaises. En effet,
on peut penser que selon l’arsenal juridique qui les encadre, les SSMP ne se comportent pas de la
même façon. Il est également important de prendre le temps de décrire à travers une approche
plus sociologique l’identité et la nature des sociétés de sécurité militaire privées françaises qui
ont existé ou qui existent aujourd’hui, afin de pouvoir s’appuyer également sur des analyses plus
complètes avant de conclure.
CHAPITRE 1 : Les cadres du développement des SSP en
France
Ce chapitre part d’un constat simple : on ne peut pas laisser des sociétés privées s’emparer du
secteur de la sécurité militaire privée sans établir un encadrement juridique à la hauteur des
risques de dérives possibles, sinon elles risquent de se développer sans contrôle adéquat dans des
domaines trop sensibles.
SECTION 1. Un encadrement juridique relativement peu clair et lacunaire
La France ne peut se passer d’un cadre juridique strict et solide dans le domaine de la sécurité
militaire privée. Les SMP britanniques ne sont quasiment pas encadrées, et les SMP américaines
sont surtout contrôlées pour leurs prestations de services. Mais la France a besoin d’un cadre clair
auquel il serait enfin possible de se référer.
39
A- Le cadre juridique actuel national semble insuffisant
Les sociétés de sécurité militaire privées françaises sont soumises à un droit particulier. Comme toute entreprise,
elles sont assujetties au droit des sociétés et au droit du travail. Mais en raison de leurs domaines d’activité, elles sont
également limitées par l’interdiction des activités de mercenariat et les réglementations internationales.
1.
Le droit français et les SSMP
Bien entendu, les SSMP françaises sont soumises au droit des sociétés. L’objet social de la
société doit être licite, c’est à dire ne pas être contraire à l’ordre public et aux bonnes mœurs.45
En outre, certaines prestations des SSMP sont encadrées par la loi et nécessitent que les sociétés
qui les proposent la respectent. C’est le cas par exemple de la législation relative au gardiennage,
aux activités privées de surveillance et de transport de fonds. Les SSMP sont aussi soumises au
droit du travail, ce qui implique qu’elles ne peuvent avoir de structures similaires aux militaires.
Ainsi, elles peuvent manquer de souplesse (réglementation en terme de volumes horaires,
d’hygiène et de sécurité). Le fait que les salariés de l’entreprise puissent se mettre en grève
constitue également un problème sérieux.
Les SSMP ont l’interdiction de pratiquer ou d’encourager des activités de mercenariat, ce qui est
une limite importante dans les situations de conflits armés. La loi du 14 avril 2003 relative à la
répression de l’activité de mercenaire46 introduit l’article 436-1 du Code pénal, qui réprime
l’activité de mercenaire. Celle-ci y est définie comme le fait pour “ toute personne, spécialement
recrutée pour combattre dans un conflit armé et qui n’est pas ressortissante d’un Etat partie
audit conflit armé, ni membre des forces armées de cet Etat, ni n’a été envoyé en mission par un
Etat autre que l’un de ceux parties au conflit en tant que membre des forces armées dudit Etat, de
prendre ou de tenter de prendre une part directe aux hostilités en vue d’obtenir un avantage
personnel ou une rémunération nettement supérieure à celle qui est payée ou promise à des
combattants ayant un rang ou des fonctions analogues dans les forces armées de la partie pour
laquelle elle doit combattre ”47. Par ailleurs, l’article 436-2 du Code pénal issu de la même loi,
intéresse particulièrement les sociétés de sécurité militaire privées puisqu’il réprime “ le fait de
45
Voir l’article 1883 du Code civil français.
Voir annexe 5.
47
Article 436-1 de la loi française du 14 avril 2003.
46
40
diriger ou d’organiser un groupement ayant pour objet le recrutement, l’emploi, la rémunération,
l’équipement ou l’instruction militaire d’une personne définie à l’article 431-1 ”. Le contenu de la
loi permet d’interpréter que les salariés d’une société ne peuvent être considérés comme des
mercenaires si leur société intervient en soutien de la France dans un conflit auquel elle participe.
Dans tous les cas, c’est la “ participation directe aux hostilités ” qui définit la frontière entre
activité légale et mercenariat en France. Or cette “ participation directe aux hostilités ” n’est pas
si facile à définir !
Tant que leur activité n’influe pas directement sur le conflit en cours, les SSMP peuvent l’exercer
dans un pays en crise ou en guerre. Les prestations en dehors des théâtres d’opérations peuvent
donc leur être confiées. Cela pourrait concerner par exemple la formation, la maintenance
opérationnelle, ou encore la sécurité de bâtiments stratégiques non militaires. Il en résulte que les
possibilités de mission dans le cadre d’un conflit armé sont réduites, comparées à celles du
monde anglo-saxon. Le gardiennage de structures militaires pose par exemple plus de problèmes
car il s’agit là d’une mission proche de la participation directe aux hostilités, tout comme les
missions de renseignement comme l’interrogatoire de prisonniers.
Par ailleurs, les activités des SSMP pourraient être empêchées par les embargos de l’ONU, de
l’Union Européenne ou de la France touchant le pays dans lequel la société envisageait d’agir. Il
faut préciser que la commission interministérielle pour l’étude des exportations de matériels de
guerre (CIEEMG) pourra éventuellement avoir un droit de regard sur certaines activités des
SSMP, comme par exemple les contrats de fournitures de moyens.
Rappelons brièvement que la loi encadre l’externalisation de certaines activités de la Défense.
L’impossibilité de déléguer une activité régalienne reste une limite d’envergure pour ces SSMP.
Mais nous renvoyons au premier chapitre pour plus de détails sur ce problème de
l’externalisation.
Une société de sécurité militaire peut être contrôlée par l’Etat si celui-ci est en possession du
capital et nomme les dirigeants. Dans ce cas, la société travaille exclusivement pour l’Etat
41
français. En revanche, si la SMP est autonome, tout appel à ses prestations est soumis à la
procédure des marchés publics, donc à une mise en concurrence minimale.
Ainsi, la loi du 14 avril 2003 tente-t-elle de définir un cadre juridique aux activités des SSMP
françaises. Il faut donc retenir plusieurs éléments qui nous intéressent ici :
•
La loi n’entrave pas les activités des sociétés de sécurité telles qu’elles sont actuellement
définies par le droit français. Mais la possession d’armes est interdite au personnel des
entreprises exerçant une activité de protection des personnes et elle est strictement encadrée
pour le personnel des sociétés de surveillance.
•
La loi n’interdit pas en principe les activités de conseil et d’audit dans le domaine de la
sécurité.
•
La loi n’interdit pas en principe des activités d’assistance technique au profit d’un
gouvernement légitime.
•
La loi interdit à une société française la participation directe aux hostilités. Ceci pourrait
poser problème si certaines sociétés décidaient de participer à des opérations de maintien de
la paix, puisque l’ONU semble encore préférer faire appel aux Etats, même si la situation
bouge puisque l’ONU, à la suite de l’attentat contre son antenne à Bagdad le 19 août 2003, a
manifesté son intention de s’entourer des conseils de spécialistes de la sécurité48.
Le droit français encadre également les exportations d’armement. Il faut une autorisation de
l’Etat pour pouvoir vendre ses matériels de guerre à un autre Etat que la France, les Etats étant les
48
Dépêche Associated Press du 4 mars 2004 : “ The United Nations intends to issue an international competitive
tender to identify a top tier security firm which will be contracted to provide high level specialized security and
safety services, globally, within the United Nations system […] The United Nations asked firms to provide detailed
42
seuls à pouvoir acheter ce matériel. La CIEEMG contrôle la procédure et donne un avis motivé
tandis que le Premier ministre prend la décision finale. Difficile de savoir comment la procédure
s’applique aux sociétés de sécurité militaire privées.
Enfin, la France doit encore réfléchir à la façon dont il est possible d’adapter le droit du travail en
vigueur dans le pays si elle veut un jour favoriser le développement de ses SSMP. En effet,
comment concevoir la performance d’une société de sécurité militaire privée en soutien
d’opération extérieure par exemple, si elle est soumise à la loi des 35 heures ou si son personnel
peut à tout moment se mettre en grève ? !
2. La responsabilité juridique des salariés de SMP, des entreprises elles-mêmes ou de l’Etat
français
La mise en cause de leur responsabilité diffère selon les cas :
•
La responsabilité du salarié d’une SMP face à ses actes est entière : l’individu a une
responsabilité civile et pénale devant les juridictions françaises, quel que soit l’endroit où il se
trouve. Le mercenariat est réprimé de manière délictuelle, de 5 ans à 75000 euros d’amende,
mais le salarié français d’une SSMP pourra voir sa responsabilité pénale mise en cause par
des juridictions françaises. Le droit pénal de l’Etat dans lequel se trouve tout employé
s’applique également à lui. Malgré la protection diplomatique, l’individu n’est en aucun cas
protégé des conséquences des faits qu’il commet. Il ne bénéficie donc d’aucune immunité,
même si sa société opère par exemple sous mandat de l’ONU.
•
Les SSMP sont responsables, en tant qu’entreprise, des faits commis en leur nom et peuvent
être dissoutes si le texte d’incrimination le prévoit. La société est également responsable
civilement de ses agissements. Elle peut, si elle a agi comme délégataire de service public,
être attrait devant les juridictions administratives.
information on their capacity to deliver a dozen services, including contingency planning for evacuations, convoy
management and training[… ]”
43
•
En ce qui concerne l’Etat, il ne peut être mis en cause s’il a prévu une procédure d’agrément
qui ne s’avère pas efficace pour contrer les agissements illégaux des SSMP. En revanche, en
cas de non-application des règles édictées pour contrôler les sociétés, l’Etat peut voir sa
responsabilité engagée. Par ailleurs, le statut de la Cour Pénale Internationale prévoit que
l’Etat doit juger ses ressortissants accusés de crimes sous peine de voir engagée sa
responsabilité internationale. La responsabilité administrative de l’Etat est possible dans le
cas d’un contrat passé avec une société. Il est tenu de respecter le principe de l’équilibre
financier du contrat et de venir en aide à la société soumise aux aléas financiers inhérents à
ses activités. Toujours dans le cadre du contrat entre SSMP et Etat, celui-ci doit pouvoir
répondre des actes de la société devant un autre Etat ou un particulier touché par l’activité de
ladite société. Enfin, l’Etat est responsable internationalement des agissements des SSMP
avec lesquelles il est lié par contrat.
3. Mais les SSMP sont également forcées de respecter le droit étranger et international
Les sociétés doivent ainsi respecter le droit du pays dans lequel elles interviennent, même si la
situation du pays en question peut permettre de nuancer cette obligation (cas de régions où le
non-droit règne). Cette obligation s’étend aux conditions de détention d’armes. Il est possible
pour le pays d’accueil de refuser l’installation des SSMP françaises, même si elles agissent avec
le soutien de l’armée française, ou sous mandat des Nations Unies. Il leur faut apprendre à
négocier pour prévoir des accords particuliers, ce qui peut être difficile comme le montre
l’expérience ivoirienne de 2004. En outre, les textes internationaux qui sont apparus dans la
deuxième moitié du XXème siècle concernent aussi les SSMP françaises.
B- La France face à la réglementation internationale et les propositions de
nouvelles règles
La réglementation internationale est particulièrement intéressante car elle oblige la France à
révéler officiellement ce qu’elle pense de la question du mercenariat et des sociétés de sécurité
militaire privées. Elle est contrainte par la création de cette réglementation à ratifier ou non ce
44
que proposent les Conventions. Si la France ne ratifie pas une Convention, le Parlement
s’explique et l’on peut trouver des éléments très intéressants dans le cadre de notre étude.
1. L’article 47 du premier Protocole additionnel du 8 juin 1977 aux Conventions de Genève du
12 août 194949
Il s’agit du texte qui a le plus large écho puisque 161 Etats en sont signataires, ce qui lui confère
une portée quasi universelle. Il n’évoque pas les sociétés militaires privées mais s’intéresse aux
activités de mercenariat individuelle. L’article 47 de ce protocole stipule :
“ Un mercenaire n’a pas droit au statut de combattant ou de prisonnier de guerre. Le terme
mercenaire s’entend de toute personne :
•
qui est spécialement recrutée pour se battre dans un conflit armé ;
•
qui prend une part directe aux hostilités essentiellement en vue d’obtenir un avantage
personnel et à laquelle est effectivement promise, par une partie en conflit ou en son nom, une
rémunération matérielle nettement supérieure à celle promise ou payée à des combattants
ayant un rang et une fonction analogues dans les forces armées de cette partie ;
•
qui n’est pas ressortissante d’une partie au conflit, ni résident d’un territoire contrôlé par une
partie au conflit ;
•
qui n’est pas membre des forces armées d’une partie au conflit ;
•
et qui n’a pas été envoyée par un Etat autre qu’une partie au conflit en mission officielle en
tant que membre des forces armées dudit Etat. ”
Ces critères sont toutefois cumulatifs, ce qui veut dire qu’il faut les réunir tous pour être
considéré comme un mercenaire. De plus, il semble assez aisé de se soustraire à ces critères. Par
exemple, les personnels de sociétés de sécurité privées ne sont pas recrutés ponctuellement
“ spécialement pour un conflit armé ”, mais bien pour assurer une mission spécifique de long
45
terme. De même, il est possible d’acquérir la nationalité d’une des parties en guerre pour ne pas
tomber sous le coup des quatrième et cinquième articles !
Ainsi, les mercenaires n’ont pas droit au statut de prisonnier de guerre et de combattant, et
peuvent donc être jugés comme des criminels de droit commun et encourir les peines prévues par
le droit local, y compris la peine capitale. Le mercenariat ne figure pas dans la liste des
“ infractions ” ou “ infractions graves ” présente à l’article 85 du Protocole. Par conséquent, ce
Protocole permet certes de lutter indirectement contre le mercenariat, mais il ne peut servir de
base à des incriminations en droit international pénal.
2. La convention internationale contre le recrutement, l’utilisation, le financement et
l’instruction de mercenaires du 4 décembre 198950
Il est important d’évoquer cette convention adoptée par l’Assemblée générale des Nations unies,
d’une part parce qu’elle va beaucoup plus loin que la précédente, et d’autre part justement parce
que la France ne l’a pas ratifiée (seuls 24 Etats y sont liés). Elle qualifie de mercenaire toute
personne :
•
“ qui est spécialement recrutée dans le pays ou à l’étranger pour prendre part à un acte
concerté de violence visant à renverser un gouvernement ou, de quelque autre manière, porter
atteinte à l’ordre constitutionnel d’un Etat, ou enfin à porter atteinte à l’intégrité territoriale
d’un Etat ;
•
qui prend part à un tel acte essentiellement en vue d’obtenir un avantage personnel significatif
et est poussée à agir par la promesse ou par le paiement d’une rémunération matérielle ;
•
qui n’est ni ressortissante ni résidente de l’Etat contre lequel un tel acte est dirigé ;
•
qui n’a pas été envoyé par un Etat en mission officielle ;
49
50
Voir Annexe 3.
Résolution A/44/34 du 4 décembre 1989. Voir annexe 4.
46
•
qui n’est pas membre des forces armées de l’Etat sur le territoire duquel l’acte a eu lieu. ”
Cette Convention ne mentionne pas, à la différence de la précédente, la participation directe aux
hostilités. Cela permet sans doute d’inquiéter des responsables publics (des fonctionnaires, des
militaires, des hauts responsables de l’Etat) pour avoir “ recruté, utilisé, financé ou instruit des
mercenaires ”.
Il est particulièrement intéressant de s’attarder sur ce qu’a écrit le Sénat à propos de cette dernière
convention :
Le Sénat commence par expliquer que l’adoption de la Convention a été facilitée par l’assassinat
du président comorien le 26 novembre 1989 (c’est à dire une semaine avant), imputé aux
mercenaires de Bob Denard. Il rajoute que “ de nombreux pays, dont la France, jugent que
certaines dispositions de la Convention du 4 décembre 1989 soulèvent des difficultés ”51. Comme
la convention ne précise pas que le mercenaire est celui qui prend une part directe aux hostilités,
le Sénat craint en outre que des personnes envoyées par l’Etat au titre de l’assistance militaire
technique pour assurer des missions d’instruction, d’organisation, d’entraînement ou
d’encadrement au profit des forces armées étrangères, puissent être considérées comme des
mercenaires et mises en danger si elles se font arrêter par les autorités du pays dans lequel elles se
trouvent en mission. Les mécanismes pénaux mis en place par la Convention risquent, par leur
complexité et la règle de compétence juridictionnelle universelle, de conduire à des conflits avec
les juridictions françaises et pourraient même entraîner la condamnation de ressortissants français
pour des actes qui ne sont pas illicites au regard du droit français.
Par ailleurs, il est assez étonnant que cette Convention cherche à définir seulement le mercenaire
et non le mercenariat en tant qu’activité. Cela implique que les sociétés commerciales et les
SSMP ne sont pas concernées. Il semble qu’il y ait donc un décalage entre les définitions de la
convention et la réalité de l’évolution des pratiques.
On constate finalement que le problème reste entier pour les SSMP françaises. Rien ne permet de
définir clairement leur statut, leur légitimité, leur domaine d’action et de prestation légal. La loi
du 14 avril 2003 a eu le mérite de lancer un vrai débat. Mais cette loi, comme les réglementations
51
http://www.senat.fr/rap/l02-142/l02-1421.html : projet de loi relatif à la répression de l’activité de mercenaire.
47
nationales et internationales, ne suffisent pas à régler le problème des sociétés de sécurité privées
et sont encore inadaptées aux évolutions de la sécurité privée. La communauté internationale a
sans doute cherché à se débarrasser des mercenaires indépendants sans toutefois s’intéresser plus
particulièrement aux sociétés de sécurité privées. Il va bien falloir que le droit se penche tôt ou
tard sur la question, ne serait-ce que pour codifier la poursuite des activités légales des SSMP et
protéger le statut de combattant des employés des sociétés impliquées, même indirectement, dans
des conflits.
Il apparaît clair que la France accepte de ne pas poursuivre les individus qui peuvent se prévaloir
de sa protection lors d’agissements à l’étranger. En outre, son refus de signer la convention de
décembre 1989 montre bien qu’elle n’est pas prête à se priver de cet outil de politique étrangère
essentiel que représentent les SSMP. Mais on ne peut pas affirmer que cette position représente
un progrès. On s’efforce en effet ici de démontrer que la France ne peut tirer profit, à moyen et à
long terme, d’une législation qui se contente d’interdire les activités de mercenaires sans pour
autant régler le problème du développement des SSMP. Le développement des sociétés de
sécurité militaire privées nécessite la mise en place d’un cadre juridique clair sur lequel elles
pourront s’appuyer pour développer leurs activités en toute légalité. Sans cela, elles risquent
d’être longtemps freinées dans leur développement, et risqueraient d’adopter des comportements
déviants ou de ne pas pouvoir servir correctement les intérêts de la France.
SECTION 2. Un rôle spécifique à définir pour ces SSMP en dehors de la
participation directe aux combats
En attendant que les autorités législatives s’emparent de la question des sociétés de sécurité
militaire privées françaises et leur imposent un cadre juridique clair et cohérent, on peut proposer,
au regard des activités qu’elles développent actuellement, des domaines dans lesquels elles
pourraient se développer et soutenir les intérêts de la France sans craindre que les contours encore
flous du cadre juridique ne leur portent préjudice.
48
A- Soutenir les forces armées nationales
Puisque la loi française interdit aux sociétés privées de participer directement aux conflits mais
que ces sociétés, par leurs activités, sont destinées à proposer leurs services dans le domaine de la
sécurité et du soutien aux militaires, pourquoi ne pas envisager dans un premier temps que les
SSMP soutiennent les forces armées nationales pour permettre à celles-ci de se recentrer sur leur
vocation première : les missions de combat ? Elles joueraient dans ce cas un rôle “ déterminant
pour le moral du combattant ”52.
Les SSMP pourraient ainsi organiser systématiquement le soutien matériel (alimentation,
nettoyage, entretien des locaux et des sites), le soutien sanitaire (infirmerie, cabinet dentaire, salle
de soins), ou le soutien énergétique comme par exemple la fourniture d’électricité et
l’acheminement pétrolier. La maintenance, qui recouvre entre autre le ravitaillement en
munitions, l’entretien courant et les dépannages ordinaires de véhicules civils légers ou de
transport, entrerait également dans le champ de compétence des sociétés de sécurité militaire
privées. Elles pourraient en outre assurer des services administratifs, financiers et juridiques pour
libérer encore du personnel militaire destinés à d’autres exercices. Mais il faut répéter que
l’exercice de ces différentes tâches sur des théâtres d’opérations extérieures nécessite la mise en
place de contrats d’externalisation sérieux avec la métropole, afin que les militaires puissent
vraiment compter sur des sociétés dignes de confiance. Enfin, les sociétés privées françaises
pourraient s’occuper de la garde statique de bâtiments ou de zones stratégiques comme les
aéroports, les dépôts d’armes ou de munition ou encore les commissariats situés toujours à
l’arrière des lignes de front afin d’éviter tout risque d’implication dans des combats.
Par ailleurs, les SSMP pourraient se voir confier la gestion des activités quotidiennes qui
éloignent le militaire de ses objectifs premiers en campagne. Il s’agit par exemple de
l’alimentation (préparée par un cuisinier professionnel), des loisirs, des soins corporels et
vestimentaires. Elles participeraient ainsi activement à la vie quotidienne aux côtés des militaires
en opérations extérieures. Pour que cela devienne une réalité, il faut que le monde politique, en
dehors de toute implication juridique, se prononce sur une question primordiale déjà formulée par
52
L’expression est de Jean-Marie Vignolles, in “ De Carthage à Bagdad ”, op. cit., p. 264.
49
un spécialiste du sujet : “ est-on prêt à accepter que des privés évoluent à proximité de troupes
engagées à l’extérieur, près des champs de bataille ? ”
B- Appuyer l’influence internationale de la France
La France reste encore aujourd’hui un partenaire privilégié pour de nombreux pays dans le
monde, notamment pour des pays d’Afrique subsaharienne, traditionnellement amis de la France.
Il serait probablement mal avisé de ne pas chercher à conserver l’influence dont dispose notre
pays dans cette région, surtout lorsque l’on voit les Etats-Unis concentrer leurs efforts pour
développer la leur dans cette même région. En effet, les Etats-Unis, qui ne disposaient jusqu’à
récemment que d’une seule base, à Djibouti, veulent imposer leur présence car ils sont bien
conscients que la région concentre d’immenses réserves pétrolières. Alors que les américains
disposent de tout un arsenal de sociétés militaire privées opérationnelles prêtes à jouer un rôle
primordial en Afrique subsaharienne, la France doit sérieusement songer aux moyens qu’elle peut
mettre en œuvre pour contrer l’influence croissante des Etats-Unis dans la région. Il faut en outre
tenir compte de l’instabilité politique des pays de la région qui implique que les militaires
français qui y sont présents doivent être prêts à tout moment à gérer la crise. C’est précisément
dans ces moments-là que les sociétés de sécurité militaires privées à la française peuvent
intervenir. Les SSMP pourraient en effet intervenir, aux côtés des militaires français, dans la
formation et la reconstruction des dirigeants de l’armée et de la police des pays concernés,
appuyant ainsi les capacités des militaires français.
C- Les SSMP françaises pourraient intervenir aux côtés d’acteurs
internationaux
•
Des SSMP françaises pourraient un jour répondre à un appel des Nations unies pour
participer à des missions de maintien de la paix. Ces missions sont sans doute amenées à se
multiplier et l’ONU a reconnu qu’il n’était pas exclu qu’elle puisse faire appel à des sociétés
privées pour les assurer. Kofi Anan avait ainsi pensé faire appel à des privés en 1998 pour
séparer les combattants des réfugiés au Rwanda. Il avait fini par y renoncer, en considérant
50
qu’on n’était “ pas encore prêt à privatiser la paix ”. Mais l’idée n’est pas nouvelle : dans un
ouvrage célèbre53, Heidi et Alvin Töffler avaient déjà envisagé l’idée exprimée ainsi :
“ Quand les nations ont déjà perdu le monopole de la violence, pourquoi ne pas envisager de
créer des forces de mercenaires volontaires, organisées par des entreprises privées, pour
mener des guerres sur une base contractuelle pour le compte des Nations Unies […] ? La
création de “ sociétés de paix ” pourrait être envisagée, chacune étant assignée à une région
du globe. Au lieu d’être payée pour faire la guerre, leur unique source de profit viendrait de
leur capacité à limiter la guerre dans leur région ”. L’ONU est aujourd’hui débordée par les
opérations de maintien de la paix. Il n’est donc pas impensable que les sociétés privées
puissent prochainement participer activement à ce genre de mission. Et les SSMP françaises
devront répondre “ présent ” pour confirmer l’excellence du savoir-faire français et prouver
que ses sociétés peuvent être à la fois très réactives, très professionnelles et très compétentes.
En outre, si certaines missions de maintien de la paix peuvent entraîner des actions
susceptibles de tomber sous le coup de la loi du 14 avril 2003, il appartiendrait à l’ONU de
mandater directement et spécialement les SSMP françaises pour ce type de missions.
•
Des sociétés de sécurité militaire privées françaises pourraient assurer la sécurité
d’Organisations Non Gouvernementales (ONG), qui sont de plus en plus la cible d’attaques.
Un article du Monde daté du 2 juin 2004 indique que 26 personnes membres d’organisations
humanitaires ou internationales ont été tuées entre 2003 et 2004 en Afghanistan. Les risques
sont donc bien réels pour le personnel des ONG. Celles-ci, si elles ne veulent pas fuir les
zones dangereuses et abandonner leurs postes et leurs missions, vont sans doute devoir faire
appel à des sociétés privées pour assurer leur sécurité. Là encore, les sociétés françaises, dont
les employés viennent souvent de l’armée, de la gendarmerie ou de la police, ont des atouts
qu’elles pourraient exploiter, par exemple en matière de protection rapprochée.
Aux côtés des organisations internationales, les SSMP françaises pourraient avoir un rôle à jouer
dans le développement d’un programme de lutte contre le terrorisme, en particulier en ce qui
concerne la sécurité des personnes privées.
53
Töffler (Heidi et Alvin), “ Guerre et contre-guerre, survivre à l’aube du XXIème siècle ”, Fayard, Paris, 1994.
51
D- Assurer la sécurité des personnes privées
L’insécurité règne non seulement dans les zones de combat, mais aussi de plus en plus dans les
zones en voie de normalisation. Les personnes privées, comme par exemple les journalistes, les
administrateurs étrangers, les délégations en visite, ont besoin de trouver en arrivant sur place un
endroit sécurisé. Les sociétés françaises pourraient se charger d’édifier et de gérer des édifices
destinés à accueillir ces personnes. Par la qualité du recrutement de leur personnel, les SSMP
françaises seraient en mesure de garantir des structures sûres, équipées obligatoirement d’une
antenne chirurgicale pour pouvoir soigner les éventuels blessés sans sortir de la base. Ce genre de
base manquait cruellement aux américains en Afghanistan, où il a fallu transporter des blessés
pendant des heures car il n’y avait pas de structures de ce type à proximité. Or, de telles
structures nécessitent la présence d’un personnel disponible hautement qualifié (chirurgiens,
anesthésistes et auxiliaires médicaux) issu du monde civil. Et la France peut justement être fière
de pouvoir disposer d’un corps médical particulièrement compétent, en particulier dans la
médecine de guerre et la traumatologie. D’ailleurs, la médecine est un secteur auquel les sociétés
de sécurité militaire privées françaises s’intéressent de plus en plus54. En effet, le soutien sanitaire
et médical connaît une expansion importante depuis près de deux ans. Les américains disposent
déjà d’une International School of Technical Medecine qui forme du personnel médical pour des
sociétés militaires privées.
Par ailleurs, les journalistes qui couvrent les événements dans les zones où l’insécurité règne,
comme l’Irak actuel, ont grand besoin de protection sur place. Malgré les précautions prises par
les journalistes, les zones de conflit restent extrêmement dangereuses. Les exemples récents
d’enlèvements et de prises d’otages sont nombreux (Christian Chesnot, Georges Malbruno,
Florence Aubenas…). La couverture d’événements en zone de conflit nécessite donc plus que de
la prudence. Pour éviter que les journalistes ne se découragent à l’idée des risques qu’ils peuvent
encourir, les sociétés privées françaises pourraient s’imposer pour assurer leur protection.
54
Entretien téléphonique avec Philippe Chapleau du 19 mars 2003.
52
“ Dans les pays en proie à des troubles, les entreprises étrangères deviennent les
premières cibles de la vindicte populaire. ”55
Enfin, les SSMP françaises devraient se tourner de plus en plus vers la sécurité des expatriés. Les
Français installés à l’étranger (près de deux millions de Français vivent à l’étranger) peuvent être
soumis à des menaces à cause de leur valeur marchande mais aussi politique. Par exemple,
l’enlèvement d’un français signifie que l’on s’en prend symboliquement à la France. L’attentat
perpétré contre les employés de la Direction des Constructions Navales (DCN) à Karachi le 8 mai
2002 qui a tué 14 personnes, visait clairement la France et non la DCN. Fin 2004, le président de
GEOS, Stéphane Gérardin, expliquait que la France a alors commencé à réaliser la nécessité de
mettre en place des structures de protection et de prévention pour éviter de tels drames56. Depuis
cette date, les entreprises françaises font plus d’efforts pour mettre en place ces structures visant à
assurer la sécurité physique de leurs employés. Déjà, on peut lire sur le site Internet de GEOS
qu’un de leur objectif est de “ protéger vos expatriés, sécuriser vos voyages, sécuriser vos
installations, protéger vos informations, protéger une activité, sécuriser un événement, former
votre personnel, gérer une crise, enrichir votre stratégie, valider vos choix tactiques. ”57 Les
sociétés ont de quoi multiplier les dispositifs de sécurité !
En outre, la sécurité des expatriés français a de l’avenir puisque le nombre d’entreprises
françaises qui s’installent à l’étranger ne cesse de croître58. Et les entreprises françaises ne
choisissent pas forcément les régions du globe les plus sûres. Elles sont nombreuses à s’installer
en Amérique du Sud, en Asie, au Proche-Orient et en Afrique. Comme elles ne sont généralement
pas prêtes à quitter une zone qui comporte des risques, les structures de sécurité privées capables
de prendre en charge entièrement les expatriés (de leur départ à leur éventuelle évacuation)
s’avèrent bien placées pour aider les entreprises françaises à affronter les menaces. Ainsi, les
sociétés de sécurité militaire privées françaises pourraient préparer les expatriés à leur nouvel
55
Sandrock Virginie, “ la sécurité des expatriés en jeu ”, Armées d’aujourd’hui , Numéro 295. Novembre 2004.
Le Monde du 24 décembre 2004, “ Stéphane Gérardin, président, et Guillaume Verspieren, futur membre du
comité exécutif de Géos : nous voulons créer un champion européen de la gestion des crises ”, propos recueillis par
Laure Belot et Jacques Follorou.
57
Site Internet de GEOS : http://geos.tm.fr/
58
Environ 20000 entreprises filiales d’entreprises françaises sont implantées à l’étranger en 2000, soit une
progressions de 21% par rapport à 1995, selon une enquête réalisée par les services de la direction des relations
économiques extérieures du ministère des finances.
56
53
environnement et les sensibiliser à quatre éléments importants : “ la connaissance du pays et de
ses coutumes […], des risques encourus, des habitudes à prendre ainsi que le mode de vie à
adopter, et, enfin, les comportements à éviter. ”59
Elles pourraient également collecter des informations pour les transmettre aux entreprises
désirant s’installer dans une région dangereuse. Les sociétés qui voudraient se développer dans le
domaine de la sécurité des expatriés devront être très réactives et capables d’envoyer rapidement
des hommes sur le terrain pour rassurer les employés en cas de menace. Elles devraient
également collaborer avec le personnel diplomatique des consulats et participer à l’organisation
des rapatriements le cas échéant.
Ainsi, en allant plus loin qu’elles ne vont aujourd’hui, sans empiéter toutefois sur le “ monopole
de la violence légitime ” de l’Etat français, ces sociétés de sécurité militaire privées pourraient
prolonger l’action de la France à l’étranger, en soutenant les entreprises et leurs employés et en
collaborant avec les armées et les représentants officiels de la France.
Le travail des SSMP françaises pourrait donc continuer à s’étendre à l’international, aux côtés des
ONG, des firmes multinationales et des Organisations internationales. Il faut cependant évoquer
dans ce contexte ce qui peut paraître anecdotique mais qui ne l’est certainement pas : le personnel
des SSMP françaises doit être en mesure de comprendre et de s’exprimer dans des langues
étrangères, en en particulier en anglais, ce qui n’est pas le cas aujourd’hui. Par exemple, certaines
sociétés militaires privées anglo-saxonnes auraient sans doute fait appel à du personnel français si
celui-ci maîtrisait suffisamment l’anglais. Cette barrière de la langue représente également un
gros défi pour les SSMP françaises. Il est indispensable qu’elles parviennent à le surmonter pour
espérer pouvoir tenir une place de choix sur le marché de la sécurité internationale.
59
Vignolles (Jean-Marie), op. cit., p. 288.
54
CHAPITRE 2 : L’IDENTITE ET LA NATURE RELLE
DES SOCIETES DE SECURITE MILITAIRE PRIVEES
FRANCAISES60
Quel est le vrai visage des sociétés de sécurité militaire privées françaises ? Il est intéressant de
procéder maintenant à une étude plus descriptive de ces sociétés, d’abord des domaines dans
lesquels elles sont ancrées, mais également de leur personnel.
SECTION 1
Il existe une spécificité des SSMP françaises. Dans cette section, l’étude des principales sociétés
françaises et de leurs prestations permettra de mieux comprendre cette spécificité française.
A- Les sociétés comme DCI, GEOS, EHC et SECOPEX présentent des
particularités intéressantes
1. La première société à évoquer est Défense Conseil International (DCI).
Elle opère principalement dans les domaines de la formation, du conseil et de l’assistance. Cette
société a été classée en 1997 par l’ancien rapporteur spécial des Nations Unies sur la question des
mercenaires parmi les sociétés de mercenaires. Il s’agit de la plus ancienne société de ce type que
l’on puisse trouver en France. Mais DCI est une société semi-publique puisque l’Etat en est le
principal actionnaire avec 49,9% des parts. Le reste des actions est entre les mains de l’Office
général de l’Air et de la SOFEMA. Elle se compose de 6 filiales : NAVFCO (prestations
maritimes), AIRCO (prestations aériennes), DESCO (armements), STRATCO (réflexion
stratégique), COFRAS (Compagnie française d’assistance spécialisée) et La Financière de
Brienne.
60
Voir annexe 6, qui répertorie toutes les sociétés de sécurité militaire privées françaises.
55
Les activités de DCI illustrent, selon Belkacem Elomari, le directeur de l’Observatoire des
transferts d’armements, “ une forme de privatisation de la coopération militaire française ”61,
même si elle dispose encore de très peu de marge d’autonomie. DCI se présente elle-même
comme “ le spécialiste de la formation, du conseil, et de l’assistance militaire […] auprès des
armées des pays amis dans le monde entier ” et compte des “ clients et partenaires dans plus de
30 pays ”. Selon la Fondation Saint-Cyr, la société réalise un chiffre d’affaires de 150 millions
d’euros grâce à l’action de plus de 800 collaborateurs dans le monde entier. Elle rajoute que DCI
agit en conformité avec le “ label Armées françaises ”. Le journal du net de l’économie indique
que DCI figure en sixième position des entreprises semi-publiques françaises les plus rentables,
avec une rentabilité de 10,62%, juste devant EDF…
La COFRAS est la filiale de DCI la plus ancienne puisqu’elle a été créée en 1972. Elle emploie
près de 500 personnes et réalise un chiffre d’affaires de plus de 40 millions d’euros. Elle mène
des actions autour de trois domaines principaux :
•
“ la formation opérationnelle et technique de spécialistes dans les domaines terrestres ou
aériens ainsi que celle de médecins ou de démineurs par exemple,
•
l’assistance technique à l’emploi des forces, aux plans de l’entraînement, de la formation ou
du conseil,
•
le soutien technique des matériels terrestres, notamment pour gérer, réparer ou entretenir des
parcs de véhicules. ” 62
La COFRAS est surtout présente au Moyen-Orient, mais commence également à se développer
en Amérique du Sud et en Asie du Sud-Est. Elle a en outre disposé jusqu’en 1999 d’une filiale, la
Cidev (Conseil international et Développement) créée après la Guerre du Golfe afin d’aider les
pays en proie à des difficultés économiques et sociales. Elle a également mené d’importantes
missions de déminage humanitaire au Cambodge, avec un contrat européen, au Mozambique
61
Elomari (Belkacem), “ DCI : privatisation de la coopération militaire française et commerce des armes ”, pp. 70
à74, in “ Le boom du mercenariat : défi ou fatalité ”, Survie, actes du colloque du 30 novembre 2000 sur le
mercenariat, Les documents de Damoclès, 2001.
62
Vignolles (Jean-Marie), op. cit., p. 211.
56
avec des fonds de l’Agence française de développement et en Angola, subventionnées par le
ministère de la Coopération.
DCI possède donc bien des caractéristiques d’une société militaire privée, cependant son statut de
société de droit privé ne doit pas cacher que l’Etat exerce un contrôle et un encadrement très
strict, financièrement d’abord, mais aussi humainement, puisque le gouvernement français
nomme tous les dirigeants de la société. Elle agit d’ailleurs sous le contrôle du ministère de la
Défense mais également de l’Etat-Major de l’Armée de Terre et de la Délégation Générale pour
l’Armement. Elle reste donc avant tout un atout pour la politique étrangère de la France et un
soutien non négligeable à ses exportations d’armements. Ainsi, le député Jean-Claude Sandrier
considère même DCI comme un “ élément auxiliaire de l’Etat pour les exportations
d’armement ”63.
Par ailleurs, il existe en France quelques sociétés privées qui tentent de s’imposer notamment
dans les domaines de la sécurité, de la formation et de l’intelligence économique. Le fait que
l’Etat français soit aussi réticent à privatiser des fonctions traditionnellement régaliennes les
pousse à signer des contrats avec des ONG, des grandes firmes multinationales et avec certains
pays comme de nombreux Etats africains. Néanmoins, aucune de ces sociétés françaises n’a
l’envergure des sociétés militaires privées anglo-saxonnes et ne doit chercher à concurrencer ces
dernières.
2. La plus connue des ces sociétés reste GEOS:
GEOS se présente sur son site Internet comme “ la solution européenne de management du
risque ”64. Elle existe depuis 1997 et emploie aujourd’hui environ 200 personnes. Elle se
caractérise par une réelle volonté de transparence et une volonté de respecter des valeurs
déontologiques comme l’indique la mise en place d’un Conseil de Surveillance présidé par le
Général de corps d’armée Jean Heinrich. Elle ne veut surtout pas être assimilée à une société
militaire privée. GEOS propose ses services à des entreprises implantées dans des zones à risques
63
Sandrier (Jean-Claude), Martin (Christian), Veyret (Alain), Rapport d’information n° 2334 du 25 Avril 2000 sur le
contrôle des exportations d’armement.
64
Voir le site Internet de GEOS : http://www.geos.tm.fr
57
comme le précise son président : “ Nos clients sont des entreprises, pas des Etats, nous sécurisons
des domaines privés, c’est à dire que nous ne sous-traitons pas des missions qui reviennent en
principe aux pouvoirs publics. ” GEOS est présente partout dans le monde mais particulièrement
en Afrique où elle a sécurisé le pipe-line reliant le Tchad au Cameroun en 2003.
Les trois domaines d’intervention principaux de GEOS sont :
•
La prévention des risques : il s’agit d’aider les entreprises à anticiper les risques grâce au
travail des experts de la société.
•
L’assistance opérationnelle pour décharger l’entreprise cliente des préoccupations liées à la
sécurité, que ce soit celle des personnels, des hommes d’affaires, des rapatriés, des biens de
l’entreprise.
•
La gestion des situations de crise : GEOS peut intervenir en cas d’enlèvement, d’extorsion de
fonds, de racket, de chantage, de détention arbitraire, d’acte de pirateries ou encore en cas de
crise politique et sociale ou d’insurrection. Elle est donc amenée à réagir dans l’urgence, ce
qu’elle a fait en janvier 2003, lorsqu’elle envoya trois employés pour assister des sociétés de
sécurité locales dans l’évacuation de 150 ressortissants français de Côte d’Ivoire.
Mais GEOS refuse catégoriquement de participer aux combats ou d’utiliser la force. Le général
Heinrich dit lui-même qu’il est “ hors de question de faire appel à la force ”.
La croissance de GEOS indique qu’elle est pour l’instant la première société de sécurité militaire
privée de France avec un chiffre d’affaires qui est passé de 0,36 millions d’euros en 1998 à 26,4
millions d’euros en 2007. GEOS représente bien le type de société qui se développent en France :
ce sont des sociétés qui mettent à profit certaines compétences militaires de leurs employés, mais
dans des contextes et dans le cadre d’opérations qui n’ont rien de strictement militaire, et pour
des clients civils. Or les sociétés militaires privées “ classiques ” utilisent un personnel de même
nature ou de même origine, mais dans des contextes militaires et à des fins militaires ou de nature
à exercer une influence plus ou moins importante sur les théâtres d’opérations. Mais aucune
structure de ce type n’existe actuellement en France.
58
Pourtant, une société a déjà voulu s’afficher publiquement comme étant la première véritable
société militaire privée française.
3. SECOPEX a été créée à Carcassonne en 2003 par deux sous-officiers parachutistes et un
officier de réserve.
SECOPEX s’est restructurée en 2007 pour créer le groupe Consulting and Special Assistance
(C.S.A. International) qui s’affiche sur Internet comme une “ société militaire privée au devoir
d’exigence très élevé […] C.S.A. apporte des solutions à tous vos problèmes de sécurité ”65.
Cette société avait l’ambition de proposer des services à des pays africains et à des grandes
entreprises comme Bouygues, Total ou EDF-GDF. Elle aurait obtenu, selon Jean-Marie
Vignolles66, deux contrats d’importance : l’un pour assurer la sécurité de l’ancienne Compagnie
générale des matières nucléaires (COGEMA, aujourd’hui AREVA) en Côte d’Ivoire, l’autre pour
assurer la protection d’équipes du HCR au Soudan.
SECOPEX a délibérément choisi l’appellation de “ société militaire privée ”, qui a d’ailleurs été
déposée à l’Institut National de la Propriété Industrielle, parce qu’elle était convaincue que les
besoins des clients privés ou des institutions étaient des besoins purement opérationnels auxquels
seuls d’anciens militaires pouvaient répondre. Elle voulait en outre imposer une alternative au
savoir-faire anglo-saxon en créant la première véritable “ société militaire privée à la française ”.
Malgré les contraintes que fait peser la loi française sur l’activité de cette petite structure, elle a
tenté de se développer en affichant sa vertu (elle a refusé à des sociétés étrangères du personnel
pour l’Irak). Mais elle a dû faire face à de grosses difficultés financières. SECOPEX a en effet été
incapable d’enchaîner les contrats nécessaires à son développement.
SECOPEX présente un aspect particulièrement intéressant. Elle fait preuve de bonne volonté à
tous les égards, mais a disposé d’une couverture médiatique importante par rapport à son poids
réel et voulait se positionner sur une quantité impressionnante de secteurs dont nous ne voulons
pas établir la longue liste ici. Or, il suffit d’observer les chiffres67 des deux structures juridiques
65
Voir le site Internet de Secopex : http://www.secopex.com et annexe 2bis.
Vignolles (Jean-Marie), op. cit., p. 217.
67
Chiffres provenant du centre d’études en sciences sociales de la Défense.
66
59
qui composent la société :
•
SECOPEX :
31 mars 2003-31 mars 2004 :
Chiffre d’Affaires : 100 000 €
Salaires : 18 000 € hors charges sociales
Autres achats et charges externes (incluant la sous-traitance) : 74 000 €
Nombre de salariés : 1
Résultat d’exploitation : 3000 €
Résultat net : néant
31 mars 2004-31 mars 2005 :
Chiffre d’Affaires : 104 000 €
1 salarié
Résultat net : 2500 €
•
SECOPEX CONSEIL :
30 juin 2003-30 juin 2004 :
Chiffre d’Affaires : 21 950 €
Salaires : 2970 € hors charges sociales
Nombre de salarié : non communiqué ou non saisi
Résultat d’exploitation : 4500 €
Résultat net : environ 3000 €
Et en 2005 :
Chiffre d’Affaires : 191 000 € (dont 50% hors de France)
2 salariés
Résultat net : 5000 €
Ces chiffres montrent que l’expérience de SECOPEX n’a pas fonctionné en France malgré sa
bonne volonté. Une autre société française a voulu quant à elle concurrencer les firmes anglosaxonnes principalement dans les domaines du conseil et de la projection opérationnelle.
60
4. Le Groupe Earthwind Holding Corporation (EHC) est créé en 1999 par d’anciens officiers
de l’Armée française
Elle se présente sur son site Internet68 comme “ la seule société francophone, immatriculée aux
Etats-Unis comme société de sûreté privée, à posséder une véritable expertise en matière de
sûreté à l’international ”. Elle poursuit : “ le groupe est spécialisé en assistance technique et
opérationnelle, de la protection armée à la logistique, afin de répondre aux divers besoins de
sûreté de nos clients ”. Globalement, EHC propose du conseil stratégique et confidentiel, de la
sécurité pour les entreprises à l’étranger, du soutien pour les institutions internationales, les ONG
et les media, de la formation, de l’instruction et du soutien pour les forces armées et enfin, du
soutien aux forces de police et aux agences de sécurité. Finalement, ce sont des prestations que
proposent également les Britanniques de la société northbridge ou les Américains de MPRI, qui
représentent tout de même ce que l’on fait de mieux dans la privatisation du domaine militaire.
Il est bon de préciser que Northbridge (SMP britannique très impliquée en Afrique) peut recruter
du personnel français via EHC. Par ailleurs, le groupe EHC est intervenu en Irak pour le compte
de SMP anglo-saxonnes qui recrutaient du personnel francophone. EHC tente d’apparaître
comme la société de sécurité militaire privée française la plus libérale et la plus inspirée du
modèle anglo-saxon. EHC est en outre la seule société française à avoir signé et adopté le code de
conduite de l’International Peace Operations Association (IPOA) qui est une organisation
défendant le recours raisonné aux sociétés militaires privées, dirigée par un expert du sujet :
Douglas Brooks. Mais la société française est encore loin d’être comparable aux grandes SMP
anglo-saxonnes. On peut d’ailleurs se demander comment une structure aussi récente et petite que
le Groupe EHC a pu faire illusion aux yeux d’un tel expert, au point d’être cité le 23 février 2005
comme “ the first french company to join the association ”. Cela indique que les procédures
d’admission dans l’IPOA ne sont peut-être pas très rigoureuses.
Plus précisément, les prestations d’EHC peuvent se présenter en quatre familles selon son site
Internet:
•
“ La sécurité armée ” : protection de sites mobiles ou fixes, de convois, d’équipes de
61
prospection, de VIP, évacuation d’urgence de personnel.
•
“ L’assistance opérationnelle ” : entraînement de base, entraînement spécifique (anti-émeute,
garde présidentielle), création ou réorganisation d’unités, support opérationnel, conseil en
stratégie militaire, logistique aéroportée.
•
“ La sécurité aéroportuaire ” : formation du personnel naviguant, mise en place d’unités de
surveillance et d’intervention, audits de sûreté et de vulnérabilité.
•
“ Le recrutement ” : “ Outsourcing ” : le Groupe EHC peut très rapidement déployer pour le
compte d’autres entreprises du personnel qualifié et expérimenté aux missions en
environnement hostiles (ex : Irak). Le Groupe EHC fournit aussi du personnel pour des
missions spécialisées (ex : intelligence économique).
Toutes ces prestations ne font pas l’objet d’une description plus détaillée, sur par exemple les
moyens dont dispose le Groupe pour les assurer. Cela constitue une différence majeure avec les
grandes SMP anglo-saxonnes sur les sites Internet desquelles on trouve toujours une description
très fournie de leurs prestations. Toujours selon son site Internet, EHC aurait participé à la
formation et l’instruction de la garde présidentielle du Congo-Brazzaville de Juin 1999 à Mai
2000. Mais en dehors de cette mission, les prestations offertes depuis sa création relèvent
exclusivement de protections rapprochées et d’audits de sécurité assurés en général par une ou
deux personnes. Quid de l’entraînement et de la sécurité aéroportuaire ?
Par ailleurs, le Groupe EHC prétend être présent en Irak depuis octobre 2003 et y employer
cinquante personnes à des tâches de “ protection rapprochée, escorte de convois, protection de
sites et chantiers, instruction et formation, recrutement permanent ”. Mais comment une société
comme EHC peut-elle passer inaperçue au regard des autorités françaises qui affirment toujours
qu’aucune société de sécurité française n’est présente en Irak en tant que telle ?
Enfin, l’exemple du Groupe EHC est intéressant pour analyser un dernier point : celui de la
pertinence du nombre des personnes disponibles dont les sociétés de sécurité militaire privées
68
Voir le site Internet du groupe Earthwind Holding Corporation : http://www.groupe-ehc.com
62
françaises se prévalent souvent. Ainsi, EHC prétend disposer d’une “ base de données de 400
personnes liées aux métiers de la sécurité ”. Certes, les sites et portails de recrutement des SSMP
regorgent de curriculum vitae. Mais il faut compter avec le temps que cela prend de trier les
candidats et de vérifier leurs origines ! Comment prétendre pouvoir disposer de 400 personnes
immédiatement opérationnelles ? Dans un domaine aussi sensible que celui de la sécurité, il faut
faire attention à toujours prendre du recul par rapport à l’information donnée par les sociétés
privées elles-mêmes.
Telles sont les quatre sociétés françaises choisies ici pour leurs caractères particuliers intéressants
pour notre étude. Mais il existe encore d’autres sociétés de sécurité militaire privées en France
dont les activités permettent également de se faire une idée des prestations et des spécificités
françaises.
B- Les autres sociétés françaises émergent et se positionnent principalement
sur les créneaux de la sécurité, de l’intelligence économique, de la formation,
de l’assistance technique et du déminage
Les quatre sociétés décrites plus haut semblent être les sociétés françaises qui symbolisent le
mieux le développement non négligeable en France des services de sécurité militaire privés.
Cependant, la majorité des sociétés de sécurité militaire privées françaises ne peuvent pas se
positionner dans des domaines que l’Etat refuse de privatiser. Mais elles peuvent tout de même
faire valoir des compétences intéressantes.
1. Cinq domaines de compétences se consolident actuellement en France :
La sécurité, l’intelligence économique, la formation, l’assistance technique et le déminage.
•
La sécurité
Quelques sociétés françaises se sont positionnées sur le secteur de la sécurité des personnes, des
63
biens, de la protection rapprochée, en France ou à l’étranger. Ainsi, Atlantic Intelligence (en
partenariat avec le groupe Stirling) qui réalise environ 36% de son chiffre d’affaires de la
sûreté69, Group 4 Falck (et sa filiale SGO), le groupe Alliance Prestige (et sa filiale AEPR) et
Defense Control (société de droit luxembourgeois), sont des entreprises qui proposent des
services dans le domaine de la sécurité. La sécurité présente l’avantage d’être un domaine qui
génère des recettes assez importantes pour ces sociétés et qui permet de valoriser des
compétences acquises par les anciens militaires ou les policiers. Par conséquent, c’est un domaine
qui a de l’avenir, même si la France n’est pas encore préoccupée par le concept de “ protection
des forces ” très développé aux Etats-Unis.
•
L’intelligence économique
Dans ce domaine (qui correspond à la “ business intelligence ” et qui s’impose en France en 1994
grâce au rapport Martre), la concurrence avec les Anglo-saxons est particulièrement rude. Les
firmes comme KROLL ou CONTROL RISK sont très performantes en la matière. Mais cela
n’empêche pas les entreprises françaises de se développer dans le secteur. Ainsi, la société i2F
(Groupe Assurance et Conseils Saint-Honoré) a racheté Circé (une société créée par un ancien
colonel de gendarmerie et spécialisé dans l’Intelligence économique). La société Salamandre,
pour laquelle travaille l’ancien directeur de la DGSE, le général Mermet, et sa société sœur SAS
créée par deux anciens hauts fonctionnaires de la police nationale, s’imposent en France dans
l’intelligence économique high-tech. En dehors de ces sociétés assez spécialisées, on retrouve
Atlantic Intelligence ( premier cabinet d’intelligence économique côté en Bourse en 2006), BD
Consultants, la société C4iFR dont l’un des dirigeants est Christian Harbulot, directeur de l’Ecole
de guerre économique, ou encore AB Associates. Ces sociétés s’intéressent aussi inévitablement
à la gestion du risque. Or, ce domaine croît de près de 10% par an. Autant dire que ces sociétés
ont de l’avenir.
•
La formation et le conseil
Ces domaines représentent des activités assez étendues. Par exemple, Sécurité sans Frontières et
69
Chapleau (Philippe), op. cit., p. 190.
64
GEOS proposaient de sensibiliser les personnels des entreprises, CITS (filiale de Alliance
Prestige) propose de la formation à la protection rapprochée et de la mise en situation extrême.
Certaines sociétés dispensent même de la formation et de l’instruction militaires comme de
l’instruction au tir, de l’entraînement d’unités spécialisées et des techniques d’intervention. Par
exemple, SAS a entraîné des forces anti-émeutes du Togo. Mais à l’évidence, ce type de
prestations ne représente pas l’essentiel des missions et reste très encadré par le ministère de la
Défense.
La société Avion Défense Service (Avdef) fondée en 1989, est installée à l’aéroport de Nîmes
Arles Camargue. Son capital est détenu à 45% par les britanniques de Cobham, et à 55% par
Pentastar, holding contrôlée par EADS Services (80%) et par DCI (20%). Avdef a été créée pour
“ fournir aux forces armées un entraînement complet à la Défense aérienne ”. Sur son site
Internet70, Avdef dit pouvoir exécuter “ des missions de remorquage de cibles, missions de
plastrons, blanchiment de zone, missions de guerre électronique, entraînement maritime,
hélicoptères, surveillance, lutte contre les feux de forêt¸ missions d’évacuation sanitaire et de
photographie aérienne… ” et donne la liste de ses clients : “ la DGA, la marine nationale, l’armée
de l’air, l’armée de terre, DCI, Thalès, MBDA, Dassault, SDIS du Var… ”. Ces missions et ces
clients permettent ainsi de classer Avdef parmi les SMP à la française.
•
L’assistance technique et la maintenance
La société type dans ce domaine reste la SOFEMA. Elle a été créée en 1997, et son capital est
détenu par plusieurs équipementiers militaires : EADS (21,6%), SNECMA (11,7%), DCN
International (9,6%), Thalès (9,5%), Giat (8,8%), Dassault Aviation (6,6%), Panhard & Levassor
(4%), MBDA France (1%)… Ses domaines d’activité lui permettent de traiter avec des clients
civils et militaires, et “ avec des forces armées pour tout besoin en support logistique ”. SOFEMA
offre également des services qui visent la protection de la sécurité intérieure des Etats, la sécurité
des frontières, des VIP et des communications, équipement pour les forces de l’ordre, protection
des sites sensibles.
70
Voir le site Internet de Avdef
65
•
Le déminage humanitaire
Ce travail est particulier car il implique un passage dans les forces armées pour acquérir le savoirfaire et l’expérience nécessaires. Parmi les sociétés françaises qui proposent leurs services dans le
déminage, on compte Hamap (Halte aux mines antipersonnels), la Compagnie française de
déminage, International Instruction Corps (IIC) qui est “ une société d’instruction dans les
domaines de la sécurité, de la formation militaire et du déminage ” qui employait en 2005 une
trentaine d’anciens militaires71, et qui est active principalement au Moyen-Orient et en
Centrafrique. Mais la principale société de déminage française reste Géomines, créée en 1995 et
qui appartient au groupe Géocéan. Elle est intervenue en Bosnie, au Cambodge, à Taiwan, au
Maroc... En janvier 2004, Géomines a pu intervenir en Irak pour dépolluer les abords de 320
kilomètres de lignes électriques endommagées. Cette mission avait été possible dans le cadre
d’un contrat de sous-traitance pour le compte de la SMP américaine Steel Foundation. Mais le 5
janvier 2004, un des convois transportant les employés de Géomines a été mitraillé et un
Français, ancien plongeur-démineur de la Marine, est mort dans l’attaque.
2. Les types de prestations que fournissent en général les SSMP françaises
Elles sont difficiles à répertorier de façon exhaustive, d’autant qu’elles évoluent énormément
avec le temps mais aussi avec les changements dans la nature des attentes des clients. Afin de
donner une dernière vision synthétique de ce dont sont capables les SSMP en France à l’heure
actuelle, on peut se référer à la typologie du général Loup Francart, qu’il a développée dans un
article paru dans la revue Questions de Défense72 (sans toutefois en présenter l’intégralité) parce
qu’elle reflète bien notre vision.
Le général Francart classe les activités des SSMP françaises en quatre grands domaines
subdivisés en sous-catégories. Les quatre domaines principaux sont nommés73 :
•
Activités permanentes de coopération et d’influence visant à promouvoir une stratégie
71
Chapleau (Philippe), op. cit., p. 194.
Francart Loup, Sociétés militaire privées : quel devenir en France ?, in Mutations et invariants, Partie III,
Humanitaire et militaire, nouveaux mercenariats, questions de défense, La documentation française, n° 5, janvier-mai
2007, p. 89.
73
Le détail de la typologie du général Loup Francart est en annexe 7.
72
66
nationale :
-
activités de niveau stratégique au profit de gouvernements étrangers ou du gouvernement
français.
•
activités de niveau opérationnel au profit des forces locales, étrangères ou françaises.
Activités de prévention de crise :
-
activités opérationnelles sur un théâtre d’opérations potentiel intéressant l’Etat français.
-
activités de sécurité avant crise, au profit de groupes privés ou d’installations
gouvernementales.
•
•
Activités de formation.
Activités d’assistance pendant une crise :
-
activités opérationnelles sur un théâtre d’opérations.
-
activités de sécurité des biens et des personnes pendant une crise.
Activités de sortie de crise.
-
relance de la vie économique
-
aide au retour à la vie civile et privée.
-
Restauration de la confiance.
Cette typologie détaillée a l’avantage de présenter une description générale claire des activités de
ce que le général Loup Francart appelle les “ sociétés d’appui stratégique et opérationnel ”
(SASO), qu’il préfère à “ société militaire privée ” parce que l’expression combine les actions de
conseil de niveau stratégiques et les activités d’assistance opérationnelle.
67
SECTION 2 : Sociologie des sociétés de sécurité militaire privées françaises
Pour mieux comprendre ce que sont ces sociétés de sécurité militaire privées françaises, il est
nécessaire de s’intéresser aux personnes qui les composent. La majorité sont d’anciens militaires
ou policiers. Mais comme les sociétés françaises se tournent de plus en plus vers des activités
nécessitant de maîtriser des techniques spécifiques, elles doivent recruter également parmi les
ingénieurs, ou les géostratèges par exemple. Il faut également préciser que les investisseurs ne
sont pas enthousiastes et que l’ouverture du capital de ces sociétés aux grands investisseurs
publics constitue un enjeu majeur pour le développement des SSMP.
A- l’origine professionnelle des membres des SSMP françaises :
•
Jean-Louis Chanas, de ERIC SA, est un ancien de la DGSE, où il a notamment servi au
Moyen-Orient.
•
Paul Barril et Philippe Legorjus (Atlantic Inteligence) sont issus du Groupe d’Intervention de
la Gendarmerie Nationale (GIGN), que le deuxième a commandé.
•
Lucien Thomas, de CIAS, est un ancien du 2ème REP de la Légion Etrangère.
•
Stéphane Gérardin, de GEOS, est passé par une unité de type commando.
•
Pierre Miallot est un ex-caporal chef devenu quelque temps garde du corps chez Paul Barril.
Il a quitté l’armée pour le secteur privé après quelques années au 2ème REP.
•
Jean-Louis Deiber, général de la gendarmerie, aujourd’hui décédé, a figuré parmi les
dirigeants de la DPSD (ex-Sécurité Militaire).
68
•
Frédéric Bauer, ancien responsable de la sécurité de Dassault, viendrait également de la
Défense74.
Les dirigeants de toutes ces sociétés viennent donc du même milieu, ce qui paraît logique si l’on
se réfère aux activités principales qu’elles développent. En outre, leur personnel provient
également des milieux militaires, de la police ou de la gendarmerie : ainsi, le personnel
opérationnel de DCI est bien sûr “ formé de militaires détachés des armées, catégorie que DCI
souhaite développer, et d’anciens militaires. DCI – et c’est bien le sens de son rôle – garantit ainsi
au pays acheteur le fait que ses personnels recevront la même formation que les personnels
militaires français. Elle offre une démultiplication de l’action des armées, dans des domaines où
celles-ci ne veulent plus ou ne peuvent plus intervenir ”75. Le milieu des SSMP françaises
fonctionne beaucoup par cooptation. Les fondateurs se connaissent presque tous les uns les
autres.
Par ailleurs, les personnels des SSMP françaises ont une autre caractéristique fondamentale : ils
ne sont guère stables. Les entrées et sorties de personnels y sont permanentes, et souvent de
courtes durées. En raison des lourdeurs des charges sociales et de la fiscalité , les SSMP préfèrent
n’employer qu’un minimum de personnel permanent. Il est ainsi très difficile pour elles de créer
un noyau stable de vrais spécialistes expérimentés au sein de la société. “ La SSP française ne
“ capitalise ” donc que faiblement le savoir de ses employés, parce qu’elle les forme peu ou pas
du tout, et, surtout, parce qu’elle ne les conserve guère ”76. Et les employés ne peuvent espérer
une carrière importante tant la taille des sociétés est souvent réduite.
Cependant, l’emploi dans une SMP ne doit pas relever d’une simple réinsertion du militaire en
fin de carrière, comme on pourrait peut-être le penser. Heureusement, comme on l’a vu, les
activités des sociétés de sécurité militaires privées françaises ne sont pas vouées à se limiter à des
prestations de type militaire et permettent de faire de plus en plus souvent appel à des candidats
issus du monde du travail civil. Ainsi, les sociétés peuvent déjà avoir à recruter parmi les
74
D’après Babinet (Christophe), Pallud (Eric) et Etienne (Pascal), Sociologie des sociétés militaires privées et
conséquences pour les missions des armées régulières, Centre d’études en sciences sociales de la défense,
Information et sûreté économiques, février 2006, p. 242.
75
Voir le site Internet de DCI : www.groupedci.com
76
Babinet (Christophe), Pallud (Eric) et Etienne (Pascal), op. cit., p.243.
69
ingénieurs, comme le font d’ailleurs les SMP anglo-saxonnes lorsqu’elles ont besoin de
compétences ultra techniques, ce qui arrive régulièrement en Irak. Par exemple, les SSMP
françaises orientées vers le conseil et la formation des élites administratives, vers les problèmes
d’analyse du risque, de gestion de crise, de raisonnement stratégique seraient également
constituées de chercheurs en géopolitique, en géostratégie, d’ambassadeurs, d’ingénieurs en
informatique et gestion de réseaux, de médecins, etc.
On constate aujourd’hui un développement important des formations universitaires en
Intelligence Economique : on peut dès lors imaginer que les jeunes travailleurs civils issus de ces
formations pourront éventuellement trouver leur place dans les SSMP françaises.
Ces nouveaux paramètres impliquent, comme le précise Philippe Chapleau, que “ l’employé issu
du monde militaire devra s’adapter à de nouveaux rapports hiérarchiques et à de nouveaux modes
opératoires ; l’employé issu du monde civil devra être sensibilisé aux questions de sécurité et de
confidentialité ; il devra aussi accepter la proximité de l’institution militaire ”77.
B- Trouver des investisseurs plus prestigieux
Les investisseurs français ne se bousculent pas encore pour participer à l’actionnariat des sociétés
de sécurité militaire privées. Le plus souvent, le capital des sociétés françaises est détenu par des
personnes privées. Et les tentatives d’ouverture du capital à des personnes morales extérieures
sont souvent des échecs. En outre, les fondateurs des sociétés de sécurité militaire privées
vieillissent et lorsqu’il n’est pas certain que la relève soit assurée, il est fondamental que des
sociétés de poids s’intéressent aux SSMP. De leur côté, les SMP anglo-saxonnes sont déjà
étroitement liées à des grandes sociétés d’assurance, des groupes de conseil ou des industriels de
la sécurité, et de l’armement. Les SSMP françaises ont des activités qui inquiètent sans doute
encore les investisseurs extérieurs. Ainsi, en France, aucun assureur n’accepte encore de les
couvrir en matière de responsabilité civile professionnelle.
77
Chapleau (Philippe), “ Privatiser la Défense, de la tentation au choix raisonné ”, Dalloz, à paraître en Avril 2008.
70
La structure du capital de ces sociétés témoigne de ce problème :
•
SECOPEX : 51% Pierre Marziali, 25% Ewald Wolfle, 24% David Hornus.
•
GEOS : 36,71% Stéphane Gerardin, 29,28% Thierry Laulom, 34% Continental Risk (qui
représente probablement les intérêts d’une tierce personne).
•
Atlantic Intelligence : 82% était détenus par la famille Legorjus au travers de la Sarl OYA
CONSEIL. 5% sont en Bourse, sur le marché libre.
•
CIAS : 100% sont détenus par le fondateur Lucien Thomas, son épouse et sa fille.78
Atlantic Intelligence a ouvert son capital au public, à hauteur de 5% seulement et sur le marché
libre. Cette situation s’explique par le peu d’attrait que représente le secteur pour les investisseurs
importants et par la volonté des fondateurs de rester indépendants et de conserver le contrôle sur
leurs sociétés. Cependant, il est certain que le développement des sociétés de sécurité militaire
privées françaises dépend en grande partie de l’intérêt que leur porteront dans l’avenir les grands
industriels français. Sans cela, les SSMP resteront enfermées dans leur petite taille et leurs
difficultés financières.
78
Sources : Babinet (Christophe), Pallud (Eric) et Etienne (Pascal), op. cit., p. 246.
71
Conclusion
Alors que les pays anglo-saxons font maintenant largement appel aux sociétés militaires privées,
la France s’interroge encore sur le bien-fondé du recours à de telles sociétés. Ne serait-ce que par
leur taille, leur structure et leur type de prestations, les sociétés de sécurité militaire privées
françaises (SSMP) présentent des spécificités singulières. Elles n’ont ni les effectifs, ni les
moyens matériels et financiers pour concurrencer les SMP anglo-saxonnes. Des sociétés
françaises comme SECOPEX ou EHC ont pourtant essayé de le faire dans certains domaines, en
prenant d’ailleurs l’appellation “ société militaire privée ”. Aujourd’hui, les réflexions autour du
phénomène en France dépassent les débats sur la pertinence ou non du recours aux sociétés de
sécurité militaire privées. Le développement de ces sociétés va de pair avec la réduction
constante des effectifs de nos armées et le besoin en compétences techniques et en expériences
diversifiées. Il est donc indispensable que l’Etat, au lieu d’ignorer le phénomène, s’intéresse de
plus près à ces sociétés en vue de leur garantir un cadre de développement plus favorable. En
effet, leur développement bute sur plusieurs obstacles liés principalement au contexte juridique et
à la volonté politique. Certes, on pourrait d’abord penser que ces SSMP françaises ne se
développent pas davantage parce que la France n’est pas impliquée dans un conflit de grande
ampleur depuis relativement longtemps.
Mais le but des sociétés françaises ne doit pas être de concurrencer les grandes SMP anglosaxonnes qui voient souvent dans les guerres un moyen de réaliser du profit. Il ne doit pas être
non plus de reprendre à leur compte les missions majeures qui incombent aux forces armées
nationales. Les services et les prestations décrites dans ce mémoire indiquent bien que la majeure
partie de leur activité n’a rien à voir avec des prestations militaires. Elles ont compris que l’Etat
français tenait à ses fonctions régaliennes. La plupart de leurs contrats concernent des domaines
aussi variés que le soutien, la formation, la maintenance, le déminage (qui représente des longs
contrats à forte valeur ajoutée en terme d’image), le renseignement, l’audit… Les SSMP
devraient donc pouvoir se développer en dehors de toute participation, même indirecte, à un
conflit.
72
Le premier obstacle important sur lequel butent les sociétés françaises reste la réticence des
autorités françaises à externaliser des fonctions de Défense. Or, une externalisation plus poussée
mais triée et contrôlée de certains services pourrait permettre de recentrer les armées sur leur
cœur de métier en les soulageant des activités qui ne sont pas vraiment à l’origine de la vocation
des soldats. Et la France pourrait certainement tirer profit de ce recentrage des armées vers leur
fonction première. En outre, l’intégration des SSMP passe absolument par la permanence des
armées, qui doivent rester le vivier principal au sein duquel recrutent les sociétés, parce qu’elles
forment des chefs et des soldats censés respecter des valeurs martiales.
La faiblesse de l’encadrement juridique constitue le second obstacle pour les SSMP françaises.
Tant qu’il restera flou et lacunaire, les SSMP ne sauront pas vraiment comment se positionner par
rapport à la loi. Le problème principal reste semble-t-il celui des définitions. Par exemple, il
faudrait que la loi définisse très clairement “ la participation directe aux hostilités ”. Si une
société propose des prestations à la frontière entre les services civils et les services militaires, il
devient en effet difficile pour elle de savoir à partir de quand elle prend une part directe aux
hostilités ! Il faut donc que la France se penche sur la loi du 14 avril 2003 qui n’a pas suffi, même
si elle a sans doute eu le mérite d’ouvrir le débat et la réflexion sur les enjeux du développement
des SSMP dans notre pays.
L’Etat français n’est donc pas encore réellement en train de perdre son monopole de la violence
légitime. Mais il se doit d’accompagner d’assez près le développement des sociétés de sécurité
militaire privées afin que celles-ci ne deviennent pas simplement des sociétés marchandes
intéressées seulement par le profit. Il faut que leur vocation reste de servir prioritairement les
intérêts de notre pays. En mettant en place des partenariats publics/privés, la France montre
qu’elle essaie de favoriser une coopération entre les SSMP et les armées nationales. Cela passe
aussi par la nécessité de garantir un maximum de transparence même si les domaines dans
lesquelles ces sociétés évoluent sont parfois soumis à des impératifs de discrétion. On ne peut en
effet raisonnablement se limiter à l’autorégulation des sociétés dans le domaine de la sécurité
militaire. Il faut que des lois précises soient édictées, et qu’elles soient appliquées de manière
stricte. Il appartient donc à l’Etat de rattraper son retard, particulièrement dans le contrôle de ces
sociétés, s’il tient à conserver une certaine emprise sur elles.
73
Tout cela doit s’accompagner d’une véritable réflexion politique. Il faut évidemment que les
décideurs fassent preuve de leur bonne volonté en ce qui concerne le développement des sociétés
de sécurité militaire privées. S’ils étaient pleinement conscients des avantages dont pourrait
bénéficier la France en exploitant ce type de sociétés, il est certain que les choses bougeraient un
peu plus. Le discours de Michèle Alliot-Marie, alors ministre de la Défense, devant le Sénat, lors
de la présentation du projet de loi “ anti-mercenaire ”, le 3 avril 2003, semblait aller dans la
bonne direction : “il n’est pas question de remettre en cause l’usage pratiqué par toutes les
grandes nations militaires, dont la France, de fournir aux pays alliés l’assistance qu’ils requièrent
pour former, encadrer et assister leurs armées […], il convient de sanctionner les excès du
mercenariat en encadrant sa pratique ”.
L’activité de sociétés françaises procurant un appui sécuritaire et stratégique en dehors d’un
conflit est possible et souhaitable. Marginaliser ce genre d’acteurs ne peut être que préjudiciable
au rayonnement de notre politique et de notre diplomatie, et au développement de nos activités
économiques à l’international.
Si les Nations unies décidaient de privatiser le maintien de la paix et de recourir à des sociétés de
sécurité militaire privées, des entreprises françaises devraient être en mesure de répondre aux
appels d’offre onusiens. Ainsi, elles seraient davantage en mesure de contrebalancer le poids
politique et l’agressivité commerciale des SMP anglo-saxonnes qui proposent déjà leurs services.
Quoi qu’il en soit, les SSMP françaises devront coopérer étroitement avec l’Etat si elles veulent
continuer à se développer. Et ce développement s’avère nécessaire, car en l’absence d’une
véritable industrie nationale des services militaires, les appels d’offre du gouvernement français
risqueraient d’attirer des sociétés françaises mais inexpérimentées, ou alors chevronnées mais
étrangères.
Le développement des sociétés de sécurité militaire privées françaises passe donc prioritairement
par une réelle réflexion à plusieurs niveaux :
•
Au niveau des armées nationales et de l’état-major .
74
•
Au niveau de l’Etat, du ministère de l’Intérieur et du Quai d’Orsay .
•
Des autorités internationales.
Dans leurs rapports préliminaires à la loi du 14 avril 2003, l’Assemblée comme le Sénat
évoquaient la nécessité de réfléchir à ce vaste domaine et plaidaient pour l’émergence d’un droit
européen en la matière. Mais jusqu’à présent, l’Europe a pris des initiatives symboliques comme
en témoigne la proposition de résolution déposée par treize des membres de l’Assemblée
parlementaire du Conseil de l’Europe79.
Un cadre de réglementation et de contrôle pourrait certes être mis en place par l’Union
européenne, mais il semble que le plus urgent reste pour l’Etat français de se saisir de la question
des SSMP et d’adopter une position claire sur le sujet.
79
Hägg (Carina), “ Proposition de résolution : les mercenaires ”, proposition signée par treize membres de
l’Assemblée parlementaire du Conseil de l’Europe, doc 10322, 15 octobre 2004.
75
ANNEXES
Annexe 1 :
Compte-rendu n° 27 du mardi 12 février 2002, de l’Assemblée nationale, Commission de la
Défense nationale et des forces armées.
Annexe 2 :
Ethique et déontologie de CSA
Annexe 2bis :
Ethique et déontologie de Secopex
Annexe 3 :
Protocole additionnel aux Conventions de Genève du 12 août 1949 relatif à la protection des
victimes des conflits armés internationaux
Annexe 3bis :
Liste des Etats parties aux Conventions de Genève du 12 août 1949
Annexe 4 :
Article premier de la Convention internationale contre le recrutement, l’utilisation, le
financement et l’instruction de mercenaires de 1989
Annexe 5 :
LOI n° 2003-340 du 14 avril 2003 relative à la répression de l'activité de mercenaire :
Annexe 6 :
Liste des “ Sociétés de sécurité militaire privées ” françaises
Annexe 7 :
Typologie des activités des sociétés de sécurité militaire privées françaises, par Loup Francart
76
ANNEXE 1 :
ASSEMBLÉE NATIONALE
COMMISSION de la DÉFENSE NATIONALE et des FORCES ARMÉES
COMPTE RENDU N° 27
(Application de l'article 46 du Règlement)
Mardi 12 février 2002
(Séance de 16 heures 15)
Présidence de M. Paul Quilès, Président
SOMMAIRE :
- Examen du rapport d'information sur l'externalisation de certaines tâches relevant du ministère
de la Défense (M. Michel Dasseux, rapporteur).
-
Information relative à la Commission.
La Commission a procédé à l'examen du rapport de M. Michel Dasseux sur
l'externalisation de certaines tâches relevant du ministère de la Défense.
Après avoir rappelé que confier une partie des activités des armées à des partenaires extérieurs
pouvait inquiéter certains acteurs, civils et militaires, du domaine de la défense, M. Michel
Dasseux, rapporteur, a reconnu que le terme “ d'externalisation ” n'était pas facile à définir :
“ mode de gestion ancien ” selon la directive ministérielle du 3 août 2000, “ pratique moderne ”
selon d'autres. Quant au mot lui-même, il n'est pas encore reconnu par tous les dictionnaires.
Pour les états-majors, l'externalisation est fondamentalement différente de la sous-traitance dans
la mesure où elle concerne l'achat d'un service global. Mais le droit, de son côté, ne connaît que la
sous-traitance définie par la loi du 31 décembre 1975. En laissant à chacun le soin de se faire sa
propre opinion sur la distinction entre les deux concepts, M. Michel Dasseux a relevé qu'un
transfert d'activité des armées vers les entreprises relevait aussi d'une certaine forme de
privatisation.
Pourtant, si la tendance est aujourd'hui de se replier vers le “ cœur du métier ”, il y a vingt ou
trente ans les économistes vantaient les mérites de la concentration maximale qui poussait les
entreprises à investir dans des domaines annexes à leur activité principale. La versatilité des
modes et de certaines théories économiques doit donc être prise en compte.
M. Michel Dasseux a ensuite indiqué que c'est avec prudence, principalement en raison de la
disparition des appelés, d'un déficit en personnels civils et des contraintes budgétaires que le
ministère de la Défense s'était engagé sur la voie de l'externalisation.
77
Le ministère de la Défense externalise ce qui est jugé “ délégable ” et qui ne fait pas partie du
“ cœur du métier ” : ces activités portent notamment sur l'entretien des immeubles et espaces
verts, la propreté et le ramassage des ordures, les transports de personnels, mais aussi, de manière
partielle, le gardiennage et la sécurité, la restauration, l'hôtellerie, la formation.
Plusieurs principes ont été posés :
- les activités concernées relèvent principalement des fonctions de soutien sans qu'aucune liste ne
soit publiée, les décisions d'externalisation étant prises au cas par cas ;
- dans un souci d'efficacité, l'externalisation est gérée au niveau le plus déconcentré ;
- dans un but de réversibilité il a été décidé de conserver au sein du ministère une compétence
minimale pour pouvoir éventuellement réintégrer l'activité externalisée.
M. Michel Dasseux a précisé qu'en 2000, les crédits d'externalisation du ministère de la Défense
avaient représenté 442 millions d'euros soit 15 % du titre III hors rémunérations et charges
sociales. En 2002, ils devraient représenter 533,6 millions d'euros, soit 16,8 %. En deux ans,
2 610 emplois vacants ont été convertis en 49 millions d'euros de crédits d'externalisation.
Aux Etats-Unis, les administrations doivent désormais présenter chaque année des listes
d'activités susceptibles d'être externalisées. Ces listes peuvent faire l'objet d'une contestation.
Lors de la publication des premières listes de fonctions “ non régaliennes ”,
850 000 fonctionnaires fédéraux se sont rendu compte que leur poste avait été identifié parmi les
activités susceptibles d'être externalisées.
L'actuelle administration républicaine avait initialement pour objectif d'externaliser, à terme, la
moitié des postes figurant dans les listes, soit 425 000 emplois. Entre-temps sont survenus les
attentats du 11 septembre 2001 et devant la médiocre qualité des contrôles réalisés par les
sociétés privées pour le compte des aéroports, il semblerait qu'un mouvement inverse se dessine.
M. Michel Dasseux a alors évoqué l'éventuelle nationalisation des contrôles aéroportuaires aux
Etats-Unis.
Sur le plan financier l'administration fédérale américaine a produit des statistiques sujettes à
caution. Ainsi, le General Accounting Office (GAO), agence d'évaluation émanant du Congrès,
considère qu'en 1998 et 1999, le coût des procédures liées aux externalisations s'est révélé
supérieur aux économies. Au total, les observateurs considèrent que, si l'externalisation ouvre des
perspectives sur le long terme, elle ne s'est pas avérée intéressante financièrement jusqu'à présent.
M. Michel Dasseux a ensuite présenté le principe de la “ private finance initiative ” (PFI)
imaginée au Royaume-Uni : les entreprises financent certains équipements puis louent leur
utilisation à la puissance publique. Le rapporteur a souligné que des règles particulièrement
strictes, qui lui ont paru relever du dogme, avaient été imposées pour l'application de ce principe :
ainsi, le ministère de la Défense est astreint à considérer en priorité la solution du financement
privé, sauf si ce dernier est impraticable. Ce n'est que dans cette hypothèse que le financement
public peut être envisagé.
En conséquence, de nombreuses activités sont potentiellement concernées par la PFI : 34 contrats
sont actuellement en cours représentant un total de 2,5 milliards d'euros.
78
M. Michel Dasseux a alors présenté le projet britannique le plus ambitieux en matière
d'externalisation, qui concerne le ravitaillement en vol. Le contrat à conclure avec le secteur privé
permettra à la Royal Air Force de louer certains ravitailleurs de manière permanente ; d'autres le
seront ponctuellement à la demande des autorités militaires avec un bref préavis, en cas de
conflit. Les avions non loués seront rentabilisés auprès de compagnies de charters. En effet, les
avions ravitailleurs sont utilisables pour des usages civils avec un minimum de transformations
étant donné qu'ils stockent le kérosène qu'ils transportent dans leurs réservoirs d'aile, leur cabine
pouvant être équipée de sièges, comme celle de n'importe quel avion de ligne. Le montage
présente plusieurs avantages : des coûts plus faibles, des avions disponibles très rapidement et qui
ne resteront pas inutilisés dans des hangars. Le Japon et l'Australie pourraient s'orienter vers cette
formule pour laquelle un marché d'environ 90 appareils existerait à l'échelle mondiale.
M. Michel Dasseux a ensuite insisté sur les conséquences des mesures d'externalisation et,
notamment, sur la perte irréversible de savoir-faire qu'elles peuvent entraîner. Dans les domaines
les plus techniques comme les transmissions ou le service de santé, la formation d'ingénieurs ou
de médecins est très longue. Dans ces conditions, vouloir rebâtir un service qui aurait été
externalisé pendant dix ou vingt ans représenterait une mission quasiment impossible.
Si la réversibilité paraît illusoire, peut-on faire jouer la concurrence et changer d'entreprise lors
du renouvellement de contrat ? Cette possibilité peut également sembler illusoire dans les
domaines où le nombre d'entreprises susceptibles d'être retenues par les armées est très faible. Et
lorsque l'entreprise retenue se verra dessaisie du marché, à l'issue d'un contrat de dix ou vingt ans,
mettra-t-elle toute la bonne volonté nécessaire pour transférer dans de bonnes conditions le
service dont elle a eu la charge ?
M. Michel Dasseux a ensuite évoqué les problèmes de fiabilité rencontrés par les armées
étrangères ayant externalisé certains de leurs services, notamment en cas de grève. Il a également
souligné que la question de la fiabilité renvoyait à celle de la sécurité. Ainsi, au lendemain des
attentats du 11 septembre 2001, les autorités américaines ont remis en question la sécurité assurée
dans les aéroports par des entreprises privées, financées au moindre coût et peu soucieuses du
passé judiciaire de certains de leurs employés.
M. Michel Dasseux a alors considéré qu'il était loin d'être sûr que l'externalisation soit moins
onéreuse, sur le long terme, que la conservation par les armées de bien des services. Les
exemples étrangers indiquent clairement que le gain financier attendu n'a pas été à la hauteur des
objectifs d'économie des grands programmes d'externalisation. Les militaires britanniques font
état, dans le meilleur des cas, de gains de moins de 10 %, ce qui est jugé peu significatif.
L'Allemagne, de son côté, a reconnu que les économies réalisées avaient été sans commune
mesure avec ce qui était attendu.
Faisant référence à un récent rapport du Conseil économique de la Défense, M. Michel Dasseux a
jugé que les expériences américaine, britannique et allemande démontraient que l'externalisation
ne pouvait être réalisée dans la perspective d'économies à court terme. Si des économies
budgétaires sont envisageables à long terme, les gains paraissent plutôt faibles et, en tout état de
cause, très difficiles à évaluer.
La complexité et la durée démesurée des contrats est un autre élément à prendre en compte.
L'externalisation en cours du ravitaillement en vol, au Royaume-Uni, va donner lieu à la
79
signature d'un contrat d'une durée de 27 ans, jugée nécessaire pour l'amortissement des appareils.
En France, pour des externalisations moins ambitieuses, les autorités militaires regrettent que le
secteur privé ne soit pas intéressé par les contrats annuels. Le ramassage du personnel ou
l'entretien d'un parc de véhicules commerciaux n'intéresse pas les entreprises si la durée du
contrat est inférieure à trois ans. M. Michel Dasseux a regretté que de nombreux appels d'offre
restent infructueux, faute d'entreprises candidates.
Il a souligné qu'une durée de dix ans, dans des secteurs tels que l'informatique ou les
transmissions, apparaissait très longue pour des engagements contractuels. En 1991, Internet
n'était connu que d'une poignée d'initiés ; en 2001, les instructions terroristes transitent par la
toile. Qui peut prévoir la forme que prendront les communications en 2012 ? Comment
contractualiser en 2002 les besoins de l'armée française de 2012 dans ce domaine ?
Pour les armées, les contrats de très longue durée pourraient s'avérer extrêmement contraignants
et pénalisants s'ils étaient mal négociés. Mais pour les entreprises, leur engagement à long terme
nécessite également une parfaite prise en compte des risques financiers et un calcul précis des
éléments de coût, notamment d'entretien du matériel.
M. Michel Dasseux a alors souligné que cette réflexion sur l'externalisation pourrait rester très
théorique si elle ne rencontrait, dans le domaine de la défense, un terrain très particulier : celui
des opérations extérieures et des risques liés au combat.
Rappelant que l'article premier de la loi portant statut général des militaires dispose que “ l'état
militaire exige en toute circonstance discipline, loyalisme et esprit de sacrifice ”, il a souligné
que cette disposition signifiait que tout militaire devait être prêt à sacrifier sa vie. Comment
concilier cette contrainte avec le classique droit du travail ?
M. Michel Dasseux s'est alors demandé si l'externalisation devait s'arrêter aux limites du territoire
national, ce qui impliquerait que les armées conservent leur savoir-faire et dupliquent les
fonctions qui doivent être assurées sur les théâtres d'opérations extérieures.
Une deuxième possibilité revient à considérer que les tâches susceptibles d'être sous-traitées à des
entreprises civiles ne peuvent pas être directement liées au combat mais qu'elles relèvent du
soutien. A ce titre, les entreprises partenaires peuvent être associées aux opérations extérieures,
sans être forcément exposées en première ligne. M. Michel Dasseux a toutefois fait remarquer à
ce propos qu'il était souvent difficile de savoir qui est réellement exposé et qui ne l'est pas.
Se pose également la question de l'assurance des employés civils des sociétés prestataires de
service. Si les militaires bénéficient d'un statut spécifique protégeant leur famille en cas de mort
ou de blessure en opération, ce n'est pas le cas des civils dont les contrats d'assurance excluent en
général les zones à risque. Pour remédier à cette difficulté, les sociétés candidates à la gestion
d'activités externalisées préconisent paradoxalement le recours à des employés réservistes. Mais
cette solution pose plus de problèmes qu'elle n'en résout :
- une question de principe est posée : est-ce le rôle des armées que de mettre à la disposition des
sociétés privées des militaires réservistes ?
- le ministère de la Défense devrait en pareil cas supporter, outre le prix du service externalisé, la
solde des réservistes mis à la disposition des sociétés ;
80
- d'autres questions statutaires liées à la durée de service dans la réserve ou à la nationalité
soulèvent également des difficultés ;
- il convient enfin de s'assurer de la loyauté des réservistes mis à la disposition des entreprises
gérant des activités externalisées. Obéiront-ils parfaitement aux ordres de leurs supérieurs
militaires s'ils sont en contradiction avec les directives émanant de leur société ? M. Michel
Dasseux a alors fait remarquer que l'utilisation de réservistes revêtait un intérêt financier direct
pour les entreprises. Elle revient en effet à faire payer par la collectivité l'assurance de leurs
employés, puisque en cas de blessure ou de décès, les indemnités sont supportées par le budget de
la Nation.
M. Michel Dasseux a relevé que, malgré la création d'une nouvelle classe de réservistes à
l'appellation significative de “ sponsored reserve ”, l'armée britannique ne semblait pas avoir
trouvé, elle non plus, la solution à cette difficulté. Citant les travaux de l'Observatoire
économique de la défense, il a considéré que le recours à des contractants en opérations
extérieures restait une question non résolue à ce jour.
En conclusion, M. Michel Dasseux a insisté sur le caractère tout à fait spécifique de l'activité
militaire et sur les dangers qu'il y avait à compromettre les capacités opérationnelles des forces en
les plaçant dans la dépendance de partenaires civils qui, pour des raisons juridiques ou autres,
pourraient ne pas assurer le soutien attendu. Sans pour autant fermer totalement la porte à de
nouvelles externalisations ponctuelles, il a appelé à la plus grande prudence en ce domaine
notamment en raison du caractère difficilement réversible des opérations les plus lourdes de
transfert d'activités de défense au secteur marchand.
Le Président Paul Quilès a félicité le rapporteur d'avoir dépassé une vision superficielle de la
question de l'externalisation et d'avoir su analyser cette question sans a priori, en faisant
apparaître que, “ finalement, on avait toujours besoin d'une armée ! ” Il a, à ce propos, souligné
que, dans le domaine de la défense, les tâches périphériques, somme toute d'ampleur restreinte,
entretenaient souvent, tout particulièrement en opérations extérieures, des relations très denses
avec le c_ur du métier militaire.
Soulignant la richesse suggestive du rapport présenté par M. Michel Dasseux, M. Robert
Poujade a interrogé le rapporteur sur l'homogénéité des réponses apportées par les différentes
armées à la question de l'externalisation ainsi que sur les positions du contrôle général des armées
à cet égard. Il a estimé qu'il fallait conclure de la réflexion sur l'externalisation que les armées,
destinées à faire la guerre, avaient besoin de soldats qu'il était difficile de remplacer par des
civils.
Se réjouissant de l'excellent climat qui avait toujours régné au sein de la Commission de la
Défense, quelle que soit la configuration politique de l'Assemblée, M. Jean Briane a estimé qu'il
était nécessaire d'être très prudent en matière d'externalisation, se demandant s'il ne fallait pas
voir dans les difficultés auxquelles on cherchait à remédier par ce mode de gestion une preuve de
l'erreur d'avoir supprimé le service national. Il a jugé que la sous-traitance et l'externalisation
motivées par des considérations économiques pouvaient conduire à de graves dangers, citant à cet
égard la privatisation des missions de sécurité dans des établissements industriels à risque, du
type de l'usine AZF de Toulouse. Il a conclu que l'externalisation des tâches spécifiquement
militaires devait être rejetée systématiquement.
81
Soulignant que l'externalisation avait été présentée à tout propos comme un remède miracle,
M. Jean-Noël Kerdraon a jugé qu'il s'agissait en réalité souvent d'une solution de facilité
préconisée en réponse à une exigence réelle de rigueur de gestion. Il a ajouté qu'en plus d'enjeux
opérationnels et de sécurité, la question de l'externalisation recouvrait une forte dimension
sociale : dans le cadre d'une armée professionnelle, la question du reclassement des engagés sur
contrats courts, qui auront acquis une formation militaire, ne manquera pas de se poser. Il serait
dès lors envisageable de leur confier des emplois dans le cadre d'activités de défense prises en
charge par le secteur civil. Après avoir évoqué les possibilités de location auprès d'entreprises
civiles d'avions ou de bâtiments mis en _uvre par des militaires, M. Jean-Noël Kerdraon a fait
valoir que, d'un point de vue économique, les gains obtenus à moyen terme par l'externalisation
étaient souvent discutables, plus encore dans la mesure où, en application du Code des marchés
publics, il était généralement fait appel au candidat le moins disant, ce qui entraînait
généralement de multiples difficultés dans l'exécution ultérieure du contrat. Il a enfin estimé
qu'au vu de ces problématiques diverses et complexes, le rapport présenté constituait une base de
réflexion ainsi qu'une aide à la décision très utiles.
M. Robert Gaïa a considéré qu'il convenait d'être prudent quant au sens à donner au concept
d'externalisation par rapport à celui de privatisation, en s'interrogeant sur le cas des contrats
d' “ achats sur étagère ” de matériels comprenant des clauses relatives à leur maintenance ou plus
généralement à leur maintien en condition opérationnelle.
M. Bernard Grasset a jugé nécessaire de recourir à l'externalisation notamment pour l'entretien
de bâtiments de la Marine ou de casernements de manière à alléger les charges des militaires de
retour d'opérations. Il a en revanche repoussé cette formule dès l'approche du champ de bataille,
en considérant qu'à ce niveau le rôle d'une réserve rénovée pouvait s'avérer tout à fait utile, y
compris par exemple au sein du service de santé des Armées.
M. Jean-Louis Bernard a souligné le risque d'un engrenage qui conduirait l'Etat à abandonner
des missions régaliennes relevant de la Défense nationale alors que dans d'autres domaines il
pourrait effectivement trouver intérêt à alléger quelque peu ses instruments d'intervention. Tout
en exprimant son accord avec M. Bernard Grasset quant à l'intérêt de transférer à la gestion
privée certaines activités relatives au casernement, à l'habillement, à la restauration ou à la santé,
M. Jean-Louis Bernard a estimé qu'il convenait de sacraliser les domaines touchant à la
protection des intérêts essentiels du pays. Il a jugé à cet égard dangereux que la puissance
publique abandonne le contrôle des avions ravitailleurs appelés à soutenir des opérations. Puis, il
a fait valoir que la question n'était pas d'abord de rechercher des d'économies budgétaires mais
qu'il convenait avant tout d'assurer la juste adéquation aux missions des forces des moyens
dévolus à la défense.
M. Robert Poujade s'est félicité que le lien entre la question de l'externalisation des activités de
défense et celle des réserves ait été souligné. Il a fait observer à ce propos qu'une politique des
réserves plus active pourrait répondre sans doute partiellement à certains des problèmes dont la
solution était recherchée dans l'externalisation.
En réponse aux différents intervenants, M. Michel Dasseux, rapporteur, a précisé les points
suivants :
82
- les premières réflexions engagées dans le cadre de son rapport visent plus à poser des questions
qu'à apporter des solutions toutes faites ;
- alors que ses interlocuteurs militaires ont tous eu une attitude prudente quant au développement
de l'externalisation, les industriels qu'il a rencontrés ont, pour leur part, manifesté de réelles
ambitions en ce domaine ;
- il paraît inacceptable d'utiliser purement et simplement les réservistes comme un renfort de
main d'œuvre au bénéfice d'entreprises privées, y compris pour des durées limitées.
Tout en estimant que l'externalisation des activités du ministère de la Défense ne saurait être
généralisée, M. Roland Garrigues a souligné que ce ministère ne devait pas s'exonérer de
l'obligation de rechercher les gisements de productivité et de comparer ses pratiques avec celles
de ses homologues étrangers.
M. Michel Dasseux a observé qu'à défaut de recourir à une comptabilité analytique, à l'exemple
des transmissions de l'armée de Terre, les armées peuvent difficilement effectuer des
comparaisons pertinentes, notamment avec la gestion privée.
M. Michel Dasseux a relevé que les membres des groupes de l'opposition défendaient le maintien
dans le giron de l'Etat de la grande majorité des activités relevant du ministère de la Défense.
Après s'être déclaré en accord avec les préoccupations qui motivaient cette position, il a estimé
qu'il était possible d'envisager que certaines activités non directement liées aux missions
opérationnelles, par exemple dans les domaines de l'entretien et du transport, puissent faire l'objet
d'une externalisation. Soulignant les limites de ce mode de gestion, il a mentionné à titre
d'exemple le besoin exprimé par les personnels des armées d'avoir à leurs côtés des médecins
militaires spécialisés, surtout lorsqu'ils se trouvent en situation de combat.
Le rapporteur s'est ensuite interrogé sur la pertinence de confier la mission du ravitaillement en
vol des appareils de l'armée de l'Air à des équipages civils, se prononçant à titre personnel en
faveur de l'attribution exclusive de cette mission à des militaires.
Il a enfin fait observer que l'achat d'équipements sur étagère incluait en règle générale une part de
maintenance.
La Commission a alors décidé à l'unanimité d'autoriser, conformément à l'article 145 du
Règlement, la publication du rapport d'information sur l'externalisation de certaines tâches
relevant du ministère de la Défense.
*
**
Information relative à la Commission
Le Président Paul Quilès a rappelé que M. Bernard Grasset avait été chargé au cours de la
réunion précédente de formuler des observations sur le rapport de l'Office parlementaire
d'évaluation des choix scientifiques et technologiques sur les conséquences sanitaires et
environnementales des essais nucléaires français, en vue de leur transmission au Gouvernement.
83
Après que M. Bernard Grasset eut présenté ses observations sur ce rapport, M. Georges
Lemoine a insisté sur la nécessité d'attirer également l'attention du Gouvernement sur les
conclusions des différentes missions scientifiques, notamment celles de M. Aroun Tazieff, qui
ont étudié l'impact sanitaire et environnemental des essais nucléaires français depuis le début des
années 1980.
La Commission a alors chargé M. Bernard Grasset d'adresser au Premier ministre le rapport de
l'Office, assorti de ses observations.
© Assemblée nationale
84
ANNEXE 2 :
85
ANNEXE 2bis :
86
87
ANNEXE 3 :
Protocole additionnel aux Conventions de Genève
du 12 août 1949 relatif à la protection des victimes
des conflits armés internationaux
(Protocole I, adopté le 8 juin 1977)
Article 47 – Mercenaires
1. Un mercenaire n’a pas droit au statut de combattant ou de prisonnier de guerre.
2. Le terme “mercenaire” s’entend de toute personne:
a) Qui est spécialement recrutée dans le pays ou à l’étranger pour combattre
dans un conflit armé;
b) Qui en fait prend une part directe aux hostilités;
c) Qui prend part aux hostilités essentiellement en vue d’obtenir un avantage
personnel et à laquelle est effectivement promise, par une partie au conflit ou en son nom,
une rémunération matérielle nettement supérieure à celle qui est promise ou payée à des
combattants ayant un rang et une fonction analogues dans les forces armées de cette
partie;
d) Qui n’est ni ressortissante d’une partie au conflit, ni résidente du territoire
contrôlé par une partie au conflit;
e) Qui n’est pas membre des forces armées d’une partie au conflit; et
f) Qui n’a pas été envoyée par un État autre qu’une partie au conflit en
mission officielle en tant que membre des forces armées dudit État.
88
ANNEXE 3bis :
Liste des États parties et des États signataires
du Protocole additionnel aux Conventions de Genève
du 12 août 1949 relatif à la protection des victimes
des conflits armés internationaux
(Protocole I, adopté le 8 juin 1977)
89
90
91
92
93
94
ANNEXE 4 :
Article premier de la Convention internationale contre le recrutement,
l’utilisation, le financement et l’instruction de mercenaires de 1989 :
Aux fins de la présente Convention,
1. Le terme “ mercenaire ” s’entend de toute personne :
a) qui est spécialement recrutée dans le pays ou à l’étranger pour combattre dans un conflit
armé ;
b) qui prend part aux hostilités essentiellement en vue d’obtenir un avantage personnel et à
laquelle est effectivement promise, par une partie au conflit ou en son nom, une rémunération
matérielle nettement supérieure à celle qui est promise ou payée à des combattants ayant un
rang et une fonction analogues dans les forces armées de cette partie ;
c) qui n’est ni ressortissante d’une partie au conflit, ni résidente du territoire contrôlée par une
partie au conflit ;
d) qui n’est pas membre des forces armées d’une partie au conflit ; et
e) qui n’a pas été envoyée par un Etat autre qu’une partie au conflit en mission officielle en tant
que membre des forces armées dudit Etat.
2. Le terme “ mercenaire ” s’entend également, dans toute autre situation, de toute personne :
a) qui est spécialement recrutée dans le pays ou à l’étranger pour prendre part à un acte concerté
de violence visant à :
i)
renverser un gouvernement, ou de quelque autre manière, porter atteinte à l’ordre
constitutionnel d’un Etat ; ou
ii)
porter atteinte à l’intégrité territoriale d’un Etat ;
b) qui prend part à un tel acte essentiellement en vue d’obtenir un avantage personnel significatif
et est poussée à agir par la promesse ou par le paiement d’une rémunération matérielle ;
c) qui n’est ni ressortissante ni résidente de l’Etat contre lequel un tel acte est dirigé ;
d) qui n’a pas été envoyé par un Etat en mission officielle ; et
e) qui n’est pas membre des forces armées de l’Etat sur le territoire duquel l’acte a eu lieu.
95
ANNEXE 5 :
LOI n° 2003-340 du 14 avril 2003 relative à la répression de l'activité de
mercenaire :
L'Assemblée nationale et le Sénat ont adopté,
Le Président de la République promulgue la loi dont la teneur suit :
Article unique.
Après le chapitre V du titre III du livre IV du code pénal, il est inséré un chapitre VI ainsi rédigé :
“ Chapitre VI
“ De la participation à une activité de mercenaire
“ Art. 436-1. - Est puni de cinq ans d'emprisonnement et de 75 000 EUR d'amende le fait :
“ 1° Par toute personne, spécialement recrutée pour combattre dans un conflit armé et qui n'est ni
ressortissante d'un Etat partie audit conflit armé, ni membre des forces armées de cet Etat, ni n'a
été envoyée en mission par un Etat autre que l'un de ceux parties au conflit en tant que membre
des forces armées dudit Etat, de prendre ou tenter de prendre une part directe aux hostilités en
vue d'obtenir un avantage personnel ou une rémunération nettement supérieure à celle qui est
payée ou promise à des combattants ayant un rang et des fonctions analogues dans les forces
armées de la partie pour laquelle elle doit combattre ;
“ 2° Par toute personne, spécialement recrutée pour prendre part à un acte concerté de violence
visant à renverser les institutions ou porter atteinte à l'intégrité territoriale d'un Etat et qui n'est ni
ressortissante de l'Etat contre lequel cet acte est dirigé, ni membre des forces armées dudit Etat, ni
n'a été envoyée en mission par un Etat, de prendre ou tenter de prendre part à un tel acte en vue
d'obtenir un avantage personnel ou une rémunération importants.
96
“ Art. 436-2. - Le fait de diriger ou d'organiser un groupement ayant pour objet le recrutement,
l'emploi, la rémunération, l'équipement ou l'instruction militaire d'une personne définie à l'article
436-1 est puni de sept ans d'emprisonnement et de 100 000 EUR d'amende.
“ Art. 436-3. - Lorsque les faits mentionnés au présent chapitre sont commis à l'étranger par un
Français ou par une personne résidant habituellement sur le territoire français, la loi française est
applicable par dérogation au deuxième alinéa de l'article 113-6 et les dispositions de la seconde
phrase de l'article 113-8 ne sont pas applicables.
“ Art. 436-4. - Les personnes physiques coupables des infractions prévues par le présent chapitre
encourent également les peines complémentaires suivantes :
“ 1° L'interdiction des droits civiques, civils et de famille, suivant les modalités prévues par
l'article 131-26 ;
“ 2° La diffusion intégrale ou partielle de la décision ou d'un communiqué informant le public des
motifs et du dispositif de celle-ci dans les conditions prévues par l'article 131-35 ;
“ 3° L'interdiction de séjour, suivant les modalités prévues par l'article 131-31.
“ Art. 436-5. - Les personnes morales peuvent être déclarées responsables pénalement, dans les
conditions prévues par l'article 121-2, de l'infraction définie à l'article 436-2.
“ Les peines encourues par les personnes morales sont :
“ 1° L'amende, selon les modalités prévues par l'article 131-38 ;
“ 2° Les peines mentionnées à l'article 131-39.
“ L'interdiction mentionnée au 2° de l'article 131-39 porte sur l'activité dans l'exercice ou à
l'occasion de l'exercice de laquelle l'infraction a été commise. ”
La présente loi sera exécutée comme loi de l'Etat.
Fait à Paris, le 14 avril 2003.
Par le Président de la République :
Jacques Chirac
97
Le Premier ministre,
Jean-Pierre Raffarin
Le ministre de l'intérieur,
de la sécurité intérieure
et des libertés locales,
Nicolas Sarkozy
Le garde des sceaux, ministre de la justice,
Dominique Perben
Le ministre des affaires étrangères,
Dominique de Villepin
La ministre de la défense,
Michèle Alliot-Marie
(1) Travaux préparatoires : loi n° 2003-340.
Sénat :
Projet de loi n° 287 (2001-2002) ;
Rapport de M. Michel Pelchat, au nom de la commission des affaires étrangères, n° 142 (20022003) ;
Discussion et adoption le 6 février 2003.
Assemblée nationale :
Projet de loi, adopté par le Sénat, n° 607 ;
Rapport de M. Marc Joulaud, au nom de la commission de la défense, n° 671 ;
Discussion et adoption le 3 avril 2003.
98
ANNEXE 6 :
“ Sociétés de Sécurité Militaire privées ” françaises :
- Compagnie Internationale d'Assistance Spécialisée (CIAS)
- Euro Risques International Consultants SA (Eric SA)
- GEOS : Conseil, protection, audits, 150 employés.
- Géomines : déminage terrestre et maritime, – de 50 employés.
- Secopex : Soutien tactique, formation.
- Secrets Service and Security (S&S), – de 30 employés.
- Earthwind Holding Corporation (EHC) http://www.groupe-ehc.com/site.html
- Sécurité sans Frontières, filiale de Mobility Benefits : Intelligence économique, audits, - de 50
employés.
- Défense Conseil International (DCI) : Conseil, Soutien. 500 employés.
- BD Consultants : Conseil, intelligence économique.
- Atlantic Intelligence (Stirling Atlantic) : Intelligence économique, audits.– de 20 employés.
- Salamandre : Intelligence économique, renseignement. – de 40 employés.
- Groupe Barril Sécurité : conseil, protection rapprochée.
- C4iFR : Intelligence économique. - de 20 employés.
- Avdef : formation aéronautique, guerre électronique, 80 employés.
- Hamap : déminage, - de 20 employés.
- International Instruction Corp, soutien tactique, formation.
- I2f : conseil, intelligence économique.
- SOFEMA SA : Maintenance, assistance technique, sécurité, 70 employés.
- Salamandre : intelligence économique, renseignement, - de 40 employés.
99
ANNEXE 7 :
Typologie des activités des sociétés militaires privées :80
“ La typologie proposée ici classe les activités selon un ordre de progression logique, de la
prévention à la sortie de crise, en passant par une phase d’engagement en situation de crise
ouverte.
1. Activités permanentes de coopération et d’influence visant à promouvoir une stratégie
nationale :
Ce type d’activités nécessite bien sûr une étroite coopération entre l’entreprise qui serait en
charge d’une mission et le gouvernement français, soit le ministère des Affaires étrangères. Il
conviendrait donc de définir les règles précises de coopération entre le privé et le public pour
monter de telles opérations.
a) Activités de niveau stratégique au profit de gouvernements étrangers ou du gouvernement
français.
i)
conseil auprès d’un Etat tiers en matière de défense et sécurité : élaboration de politiques
de défense et de sécurité, élaboration d’une stratégie générale militaire, aide à
l’organisation des forces, aide à la constitution de centres d’opérations ;
ii)
assistance méthodologique :analyse de risques, suivi d’indicateurs d’alerte, organisation
de la sécurité terrestre, aérienne et maritime, élaboration de stratégies de prévention, mise
sur pied de centres d’analyse stratégique ;
iii)
formation des cadres de la police et des forces armées :analyse stratégique, gestion de
crise (opérationnelle, humanitaire ou informationnelle), négociation de crise, exercice de
crise (gestion transnationale).
b) Activités de niveau opérationnel au profit des forces locales, étrangères ou françaises.
Plus directement au contact de la crise elle-même, les SMP sont en mesure d’assurer deux types
de missions.
80
Par Francart Loup, in “ Sociétés militaires privées, quel devenir en France ? ”, Mutations et invariants, Partie III,
Humanitaire et militaire, nouveaux mercenariats, questions de défense, La documentation française, n° 5, janvier-mai
2007, p. 89-92.
100
i)
assistance : juridique, organisation, communication ;
ii)
formation : négociation de terrain, communication de crise.
2. Activités de prévention de crise :
a) Activités opérationnelles sur un théâtre d’opérations potentiel intéressant l’Etat français.
Il s’agirait, au travers d’un certain nombre de prestations, de préparer une intervention française
ou internationale avec participation d’unités françaises dans un Etat ami. Cette préparation
pourrait comporter des activités telles que du renseignement avant crise déclarée, de la
négociation avec les parties en présence, de l’assistance à la mise en œuvre d’une cellule de crise,
de la prestation de personnels dans les centres d’opérations du pays hôte, de l’assistance à
l’élaboration de stratégies de prévention. Activités mi-stratégique, mi-opérationnelle, l’objectif
est bien un soutien aux interventions dans un contexte dans lequel l’intervention militaire ellemême n’a pas encore été décidée.
b)Activités de sécurité avant cris au profit de groupes privées ou d’installations
gouvernementales :
En fait, le même type d’activités peut être fourni aux entreprises lorsque des signaux faibles ou
forts de crise se font jour. Il s’agira alors d’assurer la sécurité d’installations industrielles face à
des désordres éventuels venant de la population ou de groupes particuliers, voire de sécuriser des
voies de communications : protection de chargements de grande valeur. Les mêmes activités de
protection peuvent être offertes aux missions humanitaires ou internationales.
c) Activités de formation :
Enfin, en phase de prévention, une bonne part des activités consiste à former les cadres et les
forces aux activités susceptibles d’être conduites dans le cadre d’une crise : formation à la lutte
anti-insurrectionnelle, formation de forces de police, formation au contrôle de foule, formation à
la gestion de crise militaire, formation à la gestion de crise civile. Ces formations sont
actuellement l’apanage des SMP anglo-saxonnes alors que les forces armées et de sécurité
françaises disposent d’un savoir-faire spécifique fondamentalement différent de celui des AngloSaxons.
3. Activités d’assistance pendant une crise :
a) Activités opérationnelles sur un théâtre d’opérations :
101
Pendant la crise, une SMP rendra d’immenses services aux forces qui ne peuvent tout assumer,
en particulier dans des métiers spécifiques demandant une forte valeur ajoutée.
Avant un engagement militaire français : la préparation à l’engagement (analyse psychologique,
gestion des perceptions), la recherche locale d’informations décisionnelles, la préparation du
déploiement, dont les aspects logistiques.
Pendant l’engagement : la gestion des perceptions, en particulier pour faire accepter le mandat de
la force, l’établissement de la confiance, les opérations d’influence, la préparation des actions
civilo-militaires, l’aide au dialogue avec les OI et ONG.
En permanence, l’aide à la communication médiatique de la force comprenant la veille
médiatique locale, la mise en place de moyens Internet, l’assistance au traitement de
l’information (traduction, interprétation, détection de stratégies de déstabilisation), l’analyse dans
le champ psychologique, le suivi d’indicateurs d’incidents, de rejet, d’adhésion, la constitution de
panels, la création de media locaux (presse écrite, radio, site Internet).
b) Activités de sécurité des biens et des personnes pendant une crise :
Comme pour la prévention de crise, les SMP peuvent intervenir, pendant son déroulement, dans
toutes les activités de protection et de sécurité, au profit d’entreprises, d’ONG, d’institutions
internationales ; mais également au profit de personnalités (politiques en charge du règlement de
la crise, négociateurs, administrateurs sous mandat), au profit des forces armées (installations
militaires, camp de réfugiés), voire au profit des représentations françaises ou étrangères.
4. Activités de sortie de crise :
Enfin, n’oublions pas que les engagements français visent l’entrée en premier et qu’une des
préoccupations importantes de l’état-major des armées est le désengagement des unités dans la
période de stabilisation qui reste toujours très longue. Dans ce contexte, de nombreuses missions
pourraient être attribuées à des sociétés après relève des militaires et couvrir de vastes champs
pour qu’un tel retrait ne soit pas interprété comme un abandon.
a) activités opérationnelles : assistance à la montée en puissance de forces locales de sécurité,
formation de personnels des forces de sécurité, aide à la dépollution ;
b) activités de sécurité en sortie de crise : substitution de sociétés de sécurité civile aux forces
armées ou de sécurité ; protection des infrastructures, des personnes et des biens (ambassades,
prisons, sites sensibles) ;
102
c) relance de la vie économique : audit des besoins économiques et des opportunités de marché
pour les entreprises françaises ; assistance aux entreprises apportant leurs compétences
(“ ouverture des portes ”, protection des missions de prospection, sécurité des biens et des
personnes, aide à la négociation) ;
d) aide au retour de la vie civile et privée : aide à la restauration de la vie politique et
administrative, aide au retour des personnes déplacée ;
e) restauration de la confiance : organisation d’activités favorisant le rapprochement des
communautés, gestion des perceptions et communication d’influence, aide à la gouvernance
locale. ”
103
Bibliographie Générale
- Babinet Christophe, Pallud Eric et Etienne Pascal, Sociologie des sociétés militaires privées et
conséquences pour les missions des armées régulières, Centre d’études en sciences sociales de la
défense, Information et sûreté économiques, février 2006.
- Chapleau Philippe, Sociétés militaires privées, enquête sur les soldats sans armées. L’art de la
guerre. Editions du Rocher, Monaco, 2005.
- Chapleau Philippe et Misser François, Mercenaires SA, Desclée de Brouwer, 1998.
- Bogo (Didier), Chapleau (Philippe), Kinsey (Christopher) et al., Les entreprises para-privées de
coercition: de nouveaux mercenaires?, Paris, L’Harmattan, revue Cultures et Conflits, n° 52,
2003.
- Chapleau Philippe, Défense externalisée : l’exemple australien, Défense, n° 129, SeptembreOctobre 2007.
- Clément Emmanuel, La France cédera-t-elle aux sirènes des sociétés militaires privées?, in
Mutations et invariants, Partie III, Humanitaire et militaire, nouveaux mercenariats, questions de
défense, La documentation française, n° 5, janvier-mai 2007.
- Francart Loup, Sociétés militaire privées : quel devenir en France ?, in Mutations et invariants,
Partie III, Humanitaire et militaire, nouveaux mercenariats, questions de défense, La
documentation française, n° 5, janvier-mai 2007.
- Huyghe François Bernard, Qui est en guerre ? Défense, n° 129, Septembre-Octobre 2007.
- Le Pautremat Pascal, Des “affreux” aux sociétés militaires privés, Défense, n° 129, SeptembreOctobre 2007.
- Un Français en Irak, en collaboration avec Sam (pseudonyme d’un consultant en
104
sécurité), Défense, n° 129, Septembre-Octobre 2007.
- Muelle Raymond, Profils de soldats, Défense, n° 129, Septembre-Octobre 2007.
- Olsson Christian et Hubac Olivier (ouvrage collectif sous la direction de), Les entreprises paraprivées de coercition. De nouveaux mercenaires, Vrais procés et faux débats: perspectives
critiques sur les argumentaires de légitimation des entreprises de coercition para-privées,
Cultures et Conflits n° 52, L’Harmattan, 2003.
- Renou Xavier (ouvrage collectif sous la direction de), La privatisation de la violence.
Mercenaires et sociétés militaires privées au service du marché, Dossiers Noirs, Agone,
Marseille, 2005.
- Singer Peter Warren et Wipfli Ralph, Les Etats-Unis et les sociétés militaires privées, Défense,
n° 129, Septembre-Octobre 2007.
- Singer Peter Warren, Corporate Warriors, Cornell University, 2003.
- Vignolles Jean-Marie, De Carthage à Bagdad, le nouvel âge d'or des mercenaires,
Perspectives, Les Editions des Riaux, Agone, Marseille, 2006.
Sources complémentaires:
- Banégas Richard, De la privatisation de la guerre à la privatisation du peace-keeping, in Le
boom du mercenariat :défi ou fatalité ? , Survie, actes du colloque du 30 novembre 2000, les
Documents de Damoclès, n° 89, 2ème trimestre 2001.
- Chapleau Philippe, Privatiser la Défense, de la tentation au choix raisonné, Dalloz, à paraître
en avril 2008.
105
- Claude Patrice, Pistoleros à Bagdad, Le Monde, Dimanche 23 – Lundi 24 septembre 2007.
- Hibou Béatrice, La privatisation des Etats, Karthala, 1999.
- Hubac Olivier, coordinateur de l’ouvrage collectif Mercenaires et polices privées : La
privatisation de la violence armée (Broché – 2006).
- Merchet Jean-Dominique, Prestataires de guerre, Libération, 3 novembre 2003.
- Sandrock Virginie, La sécurité des expatriés en jeu, Armées D’aujourd’hui, n° 295, novembre
2004.
- Serfati Claude, La mondialisation armée, La Discorde, 2001.
- Eudes Yves, La guerre privée des mercenaires, Le Monde Dossiers et Documents n° 366, juillet
– août 2007.
- Vignaux Barbara et Dominguez François, La nébuleuse des mercenaires français, Le Monde
diplomatique, août 2003.
- Hornus David : “Nous ne sommes jamais engagés dans des combats”, par Sophie Quinchard,
Continental, octobre 2004.
- Documentaire ARTE sur les camps d’entraînement des sociétés militaires privées en
République Tchèque.
- Note n° 320/DEF/CAB/BR/CD pour le directeur du cabinet civil et militaire, sous couvert de
madame la secrétaire générale à l’administration, objet : “ Création de sociétés militaires privées
en France, cadre juridique ”, Direction des affaires juridiques, 30 avril 2004.
- Note à l’attention de M. le directeur de Cabinet sous couvert de Madame la Secrétaire générale
106
pour l’administration, objet : “ questions juridiques soulevées par les sociétés militaires privées ”,
27 avril 2004.
Sites Internets :
- http://www.conflits.org/document975.html
- http://www.pbs.org/wgbh/pages/frontline/shows/warriors/interviews/brooks.html
- http://www.sfem.fr
- http://www.secopex.com/index.php?option=com_content&task=view&id=69&Itemid=50
- http://www.ceri-sciences-po.org/cerifr/cherlist/irondelle.htm
- http://www.afrik.com/article6393.html
- http://www.infoguerre.com/search.php
- http://www.armees.com/Les-entreprises-para-privees-de.html?suite=0
- www.frstratégie.org : site de la fondation pour la recherche stratégique.
- www.institut-esprit-services.medef.fr : le site de l’Observatoire de l’externalisation créé par le
patronat français en 2002.
- www.reseauvoltaire.net
- www.stratégique.free.fr : un site qui traite des questions de défense et propose des dossiers
thématiques.
- www.un.org : le site de l’ONU. Voir la rubrique “ maintien de la paix ”.
- Jean Marguin, www.euro92.org
- http://www.monde-diplomatique.fr/2004/11/MAKKI/11663: article du Monde Diplomatique de
Sami Makki.
- www.security-info.com: spécialiste de l’information économique sur le marché de la sécurité
privée.
- http://strategique.free.fr/archives/textes/div/archives_div_03.htm: synthèses d’articles de presse
sur les SMP.
107
TABLE DES MATIERES
INTRODUCTION........................................................................................................................................................ 1
CHAPITRE PRELIMINAIRE : ................................................................................................................................. 7
L’ESSOR DES SOCIETES MILITAIRES PRIVEES ............................................................................................. 7
SECTION 1 : LES ORIGINES DE LA PROLIFERATION DES SOCIETES MILITAIRES PRIVEES ...................7
SECTION 2 : LE MODELE ANGLO-SAXON : MODELE LE PLUS ABOUTI .........................................11
PREMIERE PARTIE: UN ETAT DES LIEUX DU MARCHE ET DES SOCIETES DE SECURITE
PRIVEES FRANÇAISES.......................................................................................................................................... 17
CHAPITRE 1 : LE POSITIONNEMENT DES SOCIETES DE SECURITE PRIVEES FRANÇAISES SUR LE
MARCHE ET LEURS DOMAINES D’ACTION ......................................................................................17
SECTION 1 : Un marché dont la France peut tirer profit ......................................................18
A- L’Etat trouverait des avantages à externaliser davantage dans le domaine de la Défense
..............................................................................................................................................18
B- Les SSMP françaises trouveraient dans une externalisation plus poussée des avantages
importants.............................................................................................................................21
SECTION 2 : Les conditions pour une efficacité des SMP à la française ..............................23
A- Des obligations morales et éthiques................................................................................23
B- Un impératif d’efficacité et de fidélité ............................................................................26
CHAPITRE 2 : UN MARCHE DE LA SECURITE SPECIFIQUE QUI EXPLIQUE LA NATURE DE CES
SOCIETES DE SECURITE FRANÇAISES
:...........................................................................................28
SECTION 1 : L’externalisation de la défense en France : une volonté mise à rude épreuve.28
A- La volonté des autorités françaises à externaliser dans certains domaines.......................28
1. L’exemple de l’armée de l’air ....................................................................................30
2. L’exemple de l’armée de terre ...................................................................................31
B- Une volonté freinée par la tradition régalienne de l’Etat en France................................31
SECTION 2 : Pourtant il est inévitable voire nécessaire d’encourager une collaboration
entre les sociétés privées et l’Etat en France ..........................................................................34
108
A- Une collaboration en cours qu’il faut poursuivre et approfondir....................................34
B- La coexistence armée - SSMP en France : ......................................................................35
DEUXIEME PARTIE................................................................................................................................................ 39
LES SOCIETES DE SECURITE MILITAIRE PRIVEES EN FRANCE : UN AVENIR CERTAIN ENCORE
A DECIDER ............................................................................................................................................................... 39
CHAPITRE 1 : LES CADRES DU DEVELOPPEMENT DES SSP EN FRANCE .....................................39
SECTION 1. Un encadrement juridique relativement peu clair et lacunaire .........................39
A- Le cadre juridique actuel national semble insuffisant.....................................................40
1. Le droit français et les SSMP.....................................................................................40
2. La responsabilité juridique des salariés de SMP, des entreprises elles-mêmes ou de
l’Etat français ....................................................................................................................43
3. Mais les SSMP sont également forcées de respecter le droit étranger et international
44
B- La France face à la réglementation internationale et les propositions de nouvelles règles
..............................................................................................................................................44
1. L’article 47 du premier Protocole additionnel du 8 juin 1977 aux Conventions de
Genève du 12 août 1949 ...................................................................................................45
2. La convention internationale contre le recrutement, l’utilisation, le financement et
l’instruction de mercenaires du 4 décembre 1989 ............................................................46
SECTION 2. Un rôle spécifique à définir pour ces SSMP en dehors de la participation
directe aux combats .................................................................................................................48
A- Soutenir les forces armées nationales .............................................................................49
B- Appuyer l’influence internationale de la France .............................................................50
C- Les SSMP françaises pourraient intervenir aux côtés d’acteurs internationaux .............50
D- Assurer la sécurité des personnes privées .......................................................................52
CHAPITRE 2 : L’IDENTITE ET LA NATURE RELLE DES SOCIETES DE SECURITE
MILITAIRE PRIVEES FRANCAISES .....................................................................................55
SECTION 1 ..............................................................................................................................55
A- Les sociétés comme DCI, GEOS, EHC et SECOPEX présentent des particularités
intéressantes .........................................................................................................................55
1. La première société à évoquer est Défense Conseil International (DCI). ..................55
109
2. La plus connue des ces sociétés reste GEOS: ............................................................57
3. SECOPEX a été créée à Carcassonne en 2003 par deux sous-officiers parachutistes
et un officier de réserve.....................................................................................................59
4. Le Groupe Earthwind Holding Corporation (EHC) est créé en 1999 par d’anciens
officiers de l’Armée française...........................................................................................61
B- Les autres sociétés françaises émergent et se positionnent principalement sur les
créneaux de la sécurité, de l’intelligence économique, de la formation, de l’assistance
technique et du déminage .....................................................................................................63
1. Cinq domaines de compétences se consolident actuellement en France : .................63
2. Les types de prestations que fournissent en général les SSMP françaises ...................66
SECTION 2 : Sociologie des sociétés de sécurité militaire privées françaises.......................68
A- l’origine professionnelle des membres des SSMP françaises :.......................................68
B- Trouver des investisseurs plus prestigieux......................................................................70
CONCLUSION .......................................................................................................................................................... 72
ANNEXES .................................................................................................................................................................. 76
BIBLIOGRAPHIE GENERALE ........................................................................................................................... 104
TABLE DES MATIERES ....................................................................................................................................... 108
110
Thèmes : Relations Internationales, Questions de Défense, Question militaire en France.
Mots Clés : Sociétés militaires privées, Sociétés d’appui stratégique opérationnel, mercenaires,
externalisation de la Défense, forces armées, privatisation, France.
Résumé :
Le monde de l’après-guerre froide a vu se développer ce que l’on appelle couramment des
sociétés militaires privées, principalement anglo-saxonnes. La France héberge aujourd’hui
des sociétés de sécurité militaire privées qui présentent des caractéristiques singulières. La
présentation des principaux traits des SMP anglo-saxonnes permet d’abord de les
comparer aux sociétés françaises.
La singularité des sociétés françaises vient principalement de la réticence des autorités
françaises à externaliser des missions traditionnellement régaliennes. Cette spécificité
trouve également son origine dans les prestations que fournissent ces sociétés. L’ambition
des sociétés de sécurité militaire privées françaises ne doit pas être de concurrencer les
entreprises anglo-saxonnes, mais de trouver un positionnement particulier qui leur
permettent avant tout de servir les intérêts et le rayonnement de la France dans le monde.
Mais l’absence de doctrine solide et de cadre juridique national ni international clair sur le
sujet risque de continuer à empêcher les SSMP françaises de devenir des sociétés
contrôlables au service de notre pays et de nos alliés. Alors que les sociétés militaires privées
anglo-saxonnes pâtissent de plus en plus d’une réputation assez douteuse, il est primordial
que la France parvienne à créer des SSMP capables de redorer l’image du secteur de la
sécurité militaire privée. Il est donc nécessaire que les autorités se penchent plus
sérieusement sur la question dans un avenir proche, afin que de véritables “ sociétés
militaires privées à la française ” s’installent et se consolident en France.
111

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