Nous commençons donc tôt notre service, et allons nous coucher

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Nous commençons donc tôt notre service, et allons nous coucher
ROZHOVOR
Nous commençons donc tôt notre service, et allons nous coucher autour de 20
heures. Chez nous, pas de télévision. On ne perd pas grand chose ! Mais des
livres, beaucoup de livres, et quelques journaux, pour vivre avec son temps.
6.
Est-ce que la régularité et la discipline de vie ont un sens ?
La régularité, c’est l’art de répéter ce qui a du sens. Sans régularité, impossible
d’acquérir une formation, d’étudier valablement, ni d’aimer quelqu’un ou de
s’occuper fidèlement d’une famille. La régularité est ce qui rend durable nos
meilleurs intentions. Quant à la discipline, ni le mot ni la réalité ne sont à la
mode. La discipline, selon l’étymologie du mot, c’est l’art du disciple, celui
qui sait écouter. La Règle des moines écrite par saint Benoît commence par
ces mots : « Écoute, mon fils ». Saint Benoît met le moine d’emblée dans une
filiation : un père qui transmet à son fils une expérience. La discipline, c’est
le fruit de cette transmission. Un frère m’a dit un jour : « Mes parents me
laissaient faire tout ce que je voulais. Aujourd’hui, je suis incapable de mettre
en œuvre ce que j’ai décidé ». Pour ces parents-là, c’est une faillite ! Être
discipliné, c’est être capable de trouver en soi-même l’énergie de faire le bien
que l’on veut faire. La discipline s’apprend, pas dans les livres, mais dans une
pratique quotidienne.
7. Luttez-vous, de temps en temps, contre vous-même, par exemple
contre la paresse ?
Croyez-vous ? Les moines seraient donc des gens parfaits ? Non... nous sommes
comme les autres et pas meilleurs que d’autres. Qui entre en communauté
l’enrichit avec ses qualités, et la colore avec tous ses défauts. Une communauté
monastique, c’est un carnaval ! Personne ne se ressemble, chacun apporte sa
note, comme dans un orchestre. On ne va jamais au cinéma, mais le cinéma et
les clowns sont à l’intérieur.
8. Votre domaine est entouré par une nature splendide et dans les
champs où vous travaillez règne le silence . Le silence nˈest-il pas
trop pesant, de temps en temps ?
Ce qui pèse, ce n’est pas le silence. On a vite fait de s’habituer à une certaine
qualité de vie d’où les bruits agressifs ont été évacués. Quand je vois des gens
se balader avec un écouteur dans les oreilles, je les plains. Il y a tant de choses
à écouter autour de nous, en particulier des personnes. Asseyez-vous dans
la salle d’attente d’un dentiste ou d’un aéroport, à un arrêt de bus. Les gens
d’une même famille ne se parlent pas, ils sont concentrés sur leur tablette
ou leur téléphone. Vivre dans le silence, c’est réapprendre à communiquer,
à rencontrer les autres. Ce qui pèse, au monastère, c’est soi-même. Dans le
silence, on ne peut pas tricher. Il faut apprendre à vivre avec soi, avec les
autres tel qu’on est et tels qu’ils sont, et avec Dieu. Cela pèse, mais c’est
passionant.
9. Si quelquˈun veut sˈenfuir quelques jours de sa vie quotidienne
pour partager votre silence, par exemple chez vous, a-t-il cette
possibilité ?
Bien sûr. Nous avons une petite hôtellerie. Nous recevons plutôt des prêtres,
des religieux, ou des messieurs, jeunes et moins jeunes. Aux dames et aux
familles, nous proposons plutôt d’aller chez nos sœurs trappistines, au sud
de Prague, près de Benešov, au prieuré Naši Paní nad Vltavou. Elles ont une
hôtellerie plus grande et sont mieux équipées. Ce sont des femmes, elles
cuisinent bien mieux que nous et leur office divin est splendide !
10. voulez-Vous ajouter quelque chose ?
Oui... Je sais que je m’adresse à des Tchèques et à des Français, à des
Français vivant en République tchèque et à des Tchèques francophiles. Je
suis Français d’origine, et Tchèque d’adoption. Nous avons tous en commun
d’être Européens. Mais attention ! Il y a de fortes nuances entre la culture
que j’appellerais « ouest-occidentale » et la culture occidentale européenne à
laquelle nous prétendons tous appartenir, cette culture que l’Université Charles
IV comme celle de Paris ont construite. Aujourd’hui, regardée de chez nous,
la France est triste à voir. La presse française se plaint que les pays qu’elle
appelle d’Europe de l’Est, qui sont en fait des pays d’Europe centrale (l’Est
de l’Europe, c’est Moscou !) n’adoptent pas les valeurs « occidentales ». Elle
s’étonne que notre niveau de vie soit inférieur au leur. Elle regrette que les
« nouveaux modèles familiaux » admis aux USA, en Belgique, en France, en
Espagne, etc., sont regardés ici de travers. Elle nous reproche d’accueillir en
traînant les pieds les exilés musulmans. Il y a sans doute du vrai là-dedans.
De notre côté, nous voyons des pays en crise économique, morale, culturelle
et religieuse dont nous voulons nous protéger. Et c’est peut-être juste. Ces «
valeurs républicaines » qui ont, dit-on, constitué l’Europe plutôt que les valeurs
chrétiennes, regardées à l’Ouest avec méfiance, ont-elles fait le bonheur des
peuples ? Qu’est que l’Europe ? Un ensemble de pays où chacun doit partager
avec d’autres ce qui lui est spécifique ? Alors la République tchèque a autant
à offrir à la France que la France à nous. Ou bien l’Europe représente-t-elle
l’invasion d’une culture essouflée que des pays autrefois riches et puissants
prétendent imposer à d’autres pays qui ont une histoire différente ? Pour m’en
tenir à l’Église catholique, puisque je suis moine, je suis convaincu que l’Église
qui est en France a beaucoup à recevoir de nous. Pour la société économique,
culturelle et politique, vos lecteurs sauront juger.
Dom Samuel est l’auteur de quelques livres publiés en français et en tchèque, dont un
qui vient de paraître :
Qui cherchait Théophane ?, Parole et Silence 2009/2012 ; Na ohnivém voze, Triáda,
2008.
De tout cœur, sur l’avenir chrétien de notre temps, Ad Solem 2011 ; Celým srdcem,
Triáda/Karmelitánské nakladatelsví, 2013.
Apophtegmata 1983-1990, Triáda, 2015.
Comme un feu dévorant, Artège mai 2016, à paraître en automne chez Triáda.
V Karlovarském kraji, avšak co bys kamenem dohodil do Plzeňského, stojí
krásné vesnické stavení v duchu baroka, které stavebně kopíruje - nomen
omen - své jméno: Nový dvůr. Asi těžko by v něm člověk na první pohled
hledal klášter. A přece! Jedná se o sídlo mnichů, od roku 2011 povýšeno na
opatství, kde se modlí, pracuje a žije Řád cisterciáků přísné observance.
Představeným kláštera, opatem, je Dom Samuel, Francouz.
1.Jak se stalo, že se Francouz dostane z francouzského kláštera
do Česka?
Několik mladých Čechů si po Sametové revoluci přálo vstoupit do řádu.
Mnišský život se tu vytratil během komunistické éry, nebo možná ještě dříve,
v 18. století, kdy císař Josef II. žádal, aby řády, které považoval za zbytečné,
byly rozpuštěny, či dělaly něco konkrétního (vyučovaly, vedly farnosti, staraly
se o nemocné…). My věříme, že zasvětit život modlitbě má smysl a že
tato aktivita pozvedává společnost stejně jako hrstka umělců, prosvětlující
společnost kulturou, kterou by bez nich neměla. Ti zmínění mladíci tedy
požádali francouzské opatství Sept-Fons, kde jsem žil, o mnišskou formaci.
Podílel jsem se na ní také a s nimi jsem pak přijel sem.
2.
Umíte česky? Pokud ano, jak často česky komunikujete?
Ještě před tím, než jsme vůbec našli místo k založení kláštera, jsme chtěli
vybudovat francouzsko-českou knihovnu (mniši čtou hodně, někteří až 60
knih za rok) a vytisknout žaltář, což je sbírka hymnů a žalmů ke společné
modlitbě. Mnich se modlí buď sám, jako každý, kdo se chce obrátit k Bohu, či
ve společenství, slavnostně. U nás v Novém Dvoře se mohou společné modlitby
zúčastnit jak „kolemjdoucí“, tak hosté, ale nepřijímáme turisty, kteří se jsou
jen „podívat“. U nás nic k podívání není. Plody modlitby nejsou něco, na co
se lze „podívat“. Když tedy tito mladí Češi prokázali, že jsou schopní vytrvat,
rozhodli jsme se v jejich zemi založit nový klášter. V roce 1999 jsme hledali
místo a usídlili se na staré faře vedle staveniště a začali jsme s přestavbou
ruiny bývalé barokní farmy na moderní monastýr adaptovaný na naše potřeby.
Češi mezi sebou mluvili česky a s Francouzi francouzsky. Postupně začala
převládat čeština. V Novém Dvoře jsou už jen tři Francouzi. Já jsem Čech od
minulého listopadu. S frankofonními mluvím francouzsky, česky s ostatními.
3. Malý pohled do historie: Z jakého důvodu vznikne touha po
přísnosti, která dá vzniknout takovému řádu, jako jsou trapisté?
Ve všech civilizacích a všech dobách žili lidé, kteří byli po spirituálnější stránce
senzitivnější než jiní.
Všichni vědí, že existují mniši v Tibetu i v Indii, že v Evropě byli mniši ve
středověku. Mnoho lidí si myslí, že klášterní život je zastaralá záležitost,
fenomén dávna. Křesťanský mnišský život vyplývá ze spirituální žízně, kterou
člověk pociťoval odedávna a pociťuje i dnes, pokud ji ovšem v sobě nezadusí.
To zásadní, čím se liší žido-křesťanské náboženství od jiných náboženství,
je fakt, že Židé i křesťané věří, že je to Bůh, který k nim přichází, Bůh a ne
člověk, který se snaží dospět k Bohu svými snahami a krocením svých vášní.
A tak každému z nás jednoho pronikl Boží hlas do srdce, nenápadný, ale
opravdický, a my odpověděli. Trapisté jsou dědici mnichů z egyptské pouště
(od 6. století), svatého Benedikta v Itálii (6. století), cisterciáků, kteří založili
Sedlec, Plasy a Velehrad ve 12. století. Jmenujeme se trapisté, protože jsme
vzešli z opatství la Grande-Trappe ve Francii, které bylo reformováno v 17.
století. Nás život v klášteře je přísný? Říká se to… Není to ale jeho hlavní
charakteristika. Život bratrů dnes je mnohem pohodlnější než ten, který
řád vedl v Evropě před první či dokonce druhou světovou válkou! To, co nás
definuje, je modlitba.
4.
Jak vypadá běžný den trapistického mnicha?
Během celého roku i v průběhu dne se střídá společná modlitba v kostele
(zpíváme, a někdy opravdu dobře…), čas četby a osobní modlitby s prací, která,
alespoň pro mladší mnichy, je tradičně manuální. Máme ovce, lesy, abychom
si v klášteře mohli zatopit, zahrádku. Vyrábíme hořčice a kosmetiku.
5. Z jakého důvodu vstávají mniši ve vašem klášteře ve 3:00 ráno?
Z pohledu obyčejného člověka se taková hodina jeví nelidsky.
Ranní ptáče dál doskáče! Je hodně lidí, kteří vstávají ve čtyři ráno do práce.
Nemocní a umírající i ti, kteří trpí samotou, potřebují modlitbu právě v noci,
a proto s aktivitami začínáme tak brzy, a jdeme spát v 20 hodin. Televizi
nemáme (a určitě tím nic neztrácíme), ale hodně čteme, spousty knih a
několikery noviny, abychom mohli jít s dobou.
6. Pro většinu lidí je takový denní systém nepředstavitelný. Má
pravidelnost a řád smysl?
Pravidelnost je umění opakovat to, co má smysl. Bez pravidelnosti je nemožné
získat vzdělání či opravdově studovat, ani milovat někoho či se s věrností
starat o rodinu. Pravidelnost činí naše nejlepší úmysly trvanlivými. Co se týká
disciplíny, ani to slovo samo, ani realita nejsou v módě.
Etymologie slova je „l’art du disciple“, „dovednost učedníka, žáka“, toho,
který umí poslouchat. Mnišský řád sepsaný svatým Benediktem začíná
těmito slovy: „Poslouchej, můj synu”. Svatý Benedikt klade mnicha hned
zpočátku do rodičovského vztahu: otec, který předává zkušenost svému
synu. Plodem tohoto předávání je právě disciplína. Jeden z bratrů mi
jednoho dne řekl: „Moji rodiče mě nechali dělat, co jsem chtěl. Dnes jsem
neschopný zrealizovat svá rozhodnutí.“ To je rodičovský neúspěch. Mít
disciplínu znamená být schopen v sobě najít energii ke konání něčeho
dobrého, čeho chceme dosáhnout. Disciplíně se jde naučit, ale ne z knih,
ale v každodenním praktikování.
7.
Bojujete někdy s leností? Musíte se přemáhat?
Myslíte, že mniši jsou bez chyb? Ne, jsme jako ostatní, určitě ne lepší, než jiní
lidé. Každý, kdo vstoupí do našeho společenství, ji obohatí svými kvalitami,
a zároveň probarví svými špatnými vlastnostmi. Řeholní společenství je
vlastně karneval! Nikdo není stejný, každý zní jiným tónem, stejně jako v
orchestru. Do kina nechodíme, herci i klauni jsou mezi námi.
8.Vaše stavení je obklopeno krásnou přírodou a poli, kde
pravidelně pracujete, vládne zde klid. Není takové ticho příliš
tíživé?
Ticho není to, co tíží. Člověk si rychle zvykne na určitý životní styl, kde
neexistuje agresivní hluk. Když vidím lidi se sluchátky v uších, je mi jich
líto. Kolem nás je tolik věcí a hlavně lidí, kterým můžeme naslouchat!
Sedněte si v čekárně u zubaře nebo na letišti, na autobusové zastávce.
Dokonce ani lidé ze stejné rodiny si nepovídají, soustředí se jen na své
mobily či tablet. Žít v tichu znamená znovu se učit komunikovat, potkávat
ostatní. To, co opravdu tíží, je člověk sám. V tichu nelze podvádět. Je nutné
se naučit žít sám se sebou, žít s ostatními takový, jaký opravdu jsem, žít s
lidmi, takovými, jací jsou, a s Bohem. Je to tíživé, ale úchvatné.
9. Kdyby chtěl člověk na chvíli utéci z běžného života do
ticha, třeba právě k vám, má tuto možnost?
Je to samozřejmě možné, poskytujeme zde ubytování, a to spíše pro kněze,
řeholníky; muže mladé i staré. Ženám a rodinám doporučujeme spíše pobyt
u sester trapistek na jih od Prahy, u Benešova, v převorství Naše Paní nad
Vltavou. Obytné prostory jsou zde větší a lépe vybavené. Jsou to ženy, vaří
mnohem lépe než my a jejich služba Bohu je obdivuhodná!
10. Chtěl byste ještě něco dodat?
Ano… Vím, že se obracím k Čechům a Francouzům, Francouzům, kteří žijí
v České republice a k Čechům, milujícím francouzštinu. Původem jsem
Francouz a nedávno získal české občanství.
Češi i Francouzi jsou Evropani. Ale pozor! Existují zde velké rozdíly mezi
kulturou, kterou bych nazval « západně-západní » a západní evropskou
kulturou, ke které se hlásíme, kulturou, která se budovala na Karlově i na
pařížské univerzitě.
Dnes je z naší perspektivy na Francii smutný pohled. Francouzský tisk si
stěžuje, že země, které nazývá východní Evropou, jež jsou ve skutečnosti
Evropou střední (východ Evropy je Moskva!), nepřijímají „západní“
hodnoty. Diví se, že naše životní úroveň je nižší, než jejich. Lituje, že na
„nové rodinné modely“, přijaté v USA, v Belgii, Francii, ve Španělsku atd.
je zde nazíráno skrz prsty. Vyčítají nám, že příliš otálíme s přijímáním
muslimských uprchlíků. Bezpochyby je na tom něco pravda. Na druhou
stranu ale vidíme země v krizi ekonomické, morální, kulturní a náboženské,
a chceme se toho uchránit.
A je to tak možná správně. Přinesly tyto „republikánské hodnoty”, o nichž se
říká, že utvořily Evropu více než hodnoty křesťanské, na které se na Západě
pohlíží s nedůvěrou, národům štěstí? Co je to Evropa? Seskupení zemí, kde
každý musí sdílet s ostatními to, co je pro něj specifické? V tom případě
může Česká republika Francii nabídnout tolik, kolik Francie nám. Anebo
Evropa představuje invazi kultury kdysi bohatých a mocných zemí, kultury,
která stěží popadá dech, do zemí, které mají jinou historii? Vzhledem k
tomu, že jsem mnich, se mohu vyjádřit k církvi - jsem přesvědčen, že
toho můžeme církvi ve Francii mnoho dát. Co se týká ekonomiky, kultury
a politiky, to budou vědět zase vaši čtenáři.
Dom Samuel je autorem několika knih vydaných ve francouzštině i češtině. Poslední
z nich vyšla teprve nedávno.
Qui cherchait Théophane ?, Parole et Silence 2009/2012 ; Na ohnivém voze, Triáda,
2008.
De tout cœur, sur l’avenir chrétien de notre temps, Ad Solem 2011; Celým srdcem,
Triáda/Karmelitánské nakladatelsví, 2013.
Apophtegmata 1983-1990, Triáda, 2015.
Comme un feu dévorant, Artège květen 2016, na podzim v nakladatelství Triáda.
ENTREVUE
Aux confins des régions Karlový Vary et de Plzeň, il y a un beau domaine
rustique à lˈesprit baroque, qui illustre - nomen omen - le nom qu’il porte :
Nový dvůr („La nouvelle cour“). Et pourtant ! Il sˈagit d’un monastère trappiste
fondé en 2002 et qui, en 2011, est devenu abbaye. Là prie, travaille et vit une
petite trentaine de moines, en majorité jeunes.
Dom Samuel, abbé du monastère, Français d’origine et Tchèque depuis
novembre dernier répond à nos questions.
1.Comment se fait-il quˈun moine français vive dans un monastère
tchèque ?
Des jeunes Tchèques, après la Révolution de velours, souhaitaient devenir
moines. La vie monastique s’était perdue pendant l’époque communiste et
même plus tôt, quand au XVIIIe siècle, l’empereur Joseph II avait demandé aux
moines qu’il considérait inutiles soit de disparaître, soit de faire quelque chose
de concret (enseigner, tenir des paroisses, s’occuper des malades...). Nous
croyons que consacrer sa vie à la prière a un sens, et que cette activité élève
l’ensemble de la société, comme une poignée d’artistes donne à la société
un rayonnement culturel qu’elle n’aurait pas sans eux. Ces jeunes, donc, ont
demandé à l’abbaye de Sept-Fons où je vivais, en France, de leur donner une
formation monastique. J’y ai participé et je suis venu ici, avec eux.
2.Parlez-vous le tchèque ? Et si oui, est-ce que vous communiquez
souvent en tchèque ?
Notre premier souci, avant même de trouver un lieu pour construire un
monastère, fut de constituer une bibliothèque franco-tchèque (un moine
lit beaucoup, quelques-uns jusqu’à soixante livres par an) et d’imprimer,
en tchèque, ce que nous appelons un psautier, c’est-à-dire un recueil
d’hymnes et de psaumes pour la prière commune. Un moine prie ou bien
personnellement, comme tout homme qui essaie de se tourner vers Dieu ; ou
bien en communauté, de manière solennelle. À Nový Dvůr, ceux qui passent
et les hôtes peuvent assister à la prière commune, mais nous n’acceptons pas
les touristes qui viennent « voir ». Chez nous, il n’y a rien à voir. Les fruits de
la prière ne se « voient » pas. Quand ces jeunes Tchèques ont prouvé qu’ils
étaient capables de persévérer, nous avons décidé de construire dans leur pays
pour fonder un nouveau monastère. En 1999, donc, nous avons cherché un
lieu, nous nous sommes installés dans un vieux presbytère voisin du chantier
pour transformer la ruine d’une ancienne ferme baroque en un monastère
moderne adapté à notre vie. Les Tchèques parlaient tchèque entre eux, et
français avec les Français. Peu à peu, c’est le tchèque qui a dominé. Il ne reste
plus que trois français à Nový Dvůr. Je suis Tchèque depuis novembre dernier.
Je parle français avec les francophones, et tchèque avec les autres.
3.Jetons un regard rétrospectif : Dˈoù est venu le désir de vie
austère qui a fait naître l’ordre des trappistes ?
Dans toute civilisation et depuis toujours se sont trouvés quelques personnes
dont la sensibilité spirituelle était plus vive que la majorité. Tout le monde sait
qu’il y a des moines au Tibet et en Inde, qu’il y avait des moines au Moyen Âge
en Europe. Beaucoup pensent que la vie monastique est une réalité archaïque,
d’autrefois. Le monachisme chrétien s’apparente à cette soif spirituelle que
chaque homme a toujours éprouvée, et qu’il éprouve encore aujourd’hui à
condition qu’il ne l’étouffe pas. Pourtant, ce qui distingue essentiellement la
religion judéo-chrétienne des autres religions, c’est le fait que, pour les Juifs
et les Chrétiens, c’est Dieu qui vient à nous, et non pas l’homme qui s’efforce
d’atteindre Dieu par ses efforts ou en maîtrisant ses passions. Donc, chacun de
nous a perçu, un jour, un appel de Dieu à son cœur, discret, mais réel, auquel
il a répondu. Les trappistes sont les héritiers des moines du désert d’Égypte (à
partir du VIe siècle), de saint Benoît en Italie (VIe siècle), des cisterciens qui ont
fondé Sedlec, Plasy et Velehrad au XIIe siècle. On nous appelle « trappistes »,
parce que nous sommes issus de l’abbaye de la Grande-Trappe, en France, qui
fut réformée au XVIIe siècle. Notre vie est-elle austère ? On le dit... Mais là n’est
pas sa caractéristique principale. La vie des frères aujourd’hui est beaucoup
plus confortable que celle qu’on menait dans les campagnes en Europe avant
la Première Guerre mondiale, même peut-être avant la Seconde ! Ce qui définit
notre vie, c’est la prière.
4.A quoi ressemble la journée dˈun moine trappiste ?
Tout au long de l’année, et tout au long de la journée, nous alternons des
temps de prière commune à l’église (nous chantons, parfois très bien...), des
temps de lecture et de prière personnelle, et un travail, traditionnellement
manuel et qui le reste au moins pour les plus jeunes. Nous avons des brebis,
des forêts pour chauffer notre monastère, un jardin potager. Nous fabriquons
moutardes et cosmétiques.
5. Pour quelle raison les moines trappistes se lèvent à 3h du matin
? Du point de vue dˈun homme ordinaire, cˈest chose inimaginable.
Le monde appartient à ceux qui se lèvent tôt. Il y a bien des gens qui se
lèvent à quatre heures pour aller au travail. C’est la nuit que les malades et les
mourants ont besoin qu’on prie pour eux, que les personnes isolées souffrent
de solitude.